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préciser et s’affermir depuis 1881 ou 1912 et le mandat est une entreprise beaucoup plus délicate encore que le protectorat. Sans doute, le contrôle administratif français fut installé dans la zone Ouest de Syrie dès l’automne 1918 ; mais il dut, pendant une année, agir sous l’occupation britannique, ce qui, malgré toute la bonne volonté du maréchal Allenby, ne pouvait que rendre sa tâche encore plus difficile. Il faut ajouter qu’au lendemain de la guerre, la France était limitée dans ses moyens. C’est seulement en novembre 1919 que le général Gouraud releva les troupes britanniques, et c’est seulement à la fin de juillet 1920 qu’a disparu le régime chérifien de Damas, — dont toute la politique se résumait à s’efforcer de rendre notre situation intenable en Syrie, — et le 20 octobre 1921 qu’un accord a mis fin à la guerre turque, qui avait repris dans le Nord dès les dernières semaines de 1919 et qui avait absorbé à la fois le gros de notre armée du Levant et une partie de l’attention de son chef, obligé de diriger, en même temps, toute la tâche politique du Haut-Commissariat.

Ce qui s’est accompli dans de telles conditions supporte la comparaison avec n’importe laquelle de nos œuvres d’outremer, alors qu’elle était, pour ainsi dire, en aussi bas âge. Dans cette courte durée, et au milieu de toutes ces traverses, un plan a été conçu et a commencé à se réaliser. Il vient d’être consacré par un statut provisoire d’où sortira le statut définitif que les Puissances mandataires ont, selon ce qui est prévu dans les projets de déclarations de mandat, trois années pour élaborer : le délai n’a rien d’excessif, si l’on songe à toutes les retouches que peut inspirer l’expérience d’un régime aussi délicat. Ce statut provisoire, sur lequel l’autre doit se conformer, est entièrement inspiré par un principe qui a invariablement dominé toute la politique du Haut-Commissaire de la République en Syrie et au Liban : créer, dans un esprit libéral et en préparant les populations à se gouverner, des organismes indigènes capables de se suffire à eux-mêmes le jour où la tutelle à l’abri de laquelle ils se seront développés n’aura qu’à s’effacer devant la majorité du pupille : c’est dire que l’esprit du mandat a été appliqué avant la lettre, les projets de déclarations de mandats, élaborés après la Conférence des premiers ministres de France, d’Angleterre et d’Italie à San-Remo, étant soumis à la Société des Nations, qui ne les a pas encore examinés.