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d’une façon charmante et dans un sentiment qu’il siérait d’appliquer à son œuvre :


Il faudrait être bien ennemi de son plaisir pour reprocher une pointe d’exagération méridionale, — si inconsciente d’ailleurs, — et ne pas admirer l’art suprême de mettre en scène, de camper les personnages, d’engager le dialogue.


Oui, c’est bien cela. Il a l’air de se définir lui-même, par avance, et il conclut :


On ne peut s’étonner vraiment qu’il y ait eu beaucoup de romanciers en Provence… Mais chez nous, tout le monde l’est plus ou moins, romancier !


Et ne pourrait-il ajouter : poète dramatique ?

Après ce joli début, il en venait à examiner l’œuvre de ces deux romanciers que l’Académie de Marseille avait accouplés en son concours de façon quelque peu paradoxale. Mais la gageure n’était pas pour rebuter ce jeune homme, amoureux de la difficulté et, d’une façon très ingénieuse, il justifiait l’Académie d’avoir invité les concurrents à considérer dans un même coup d’œil le premier et le dernier des romanciers de Provence, Honoré d’Urfé et Emile Zola.


D’Urfé et Zola ! s’écriait-il. Dans le contraste de ces deux noms le génie de la Provence se révèle, plein d’âpreté et de violence et aussi de délicatesse. Elle est le pays des amours ardentes et sensuelles, comme aussi celui des tendresses pures et platoniques, qui garde le souvenir d’un Pétrarque et d’une Laure de Noves. Il y a la Provence sauvage, fille aux cheveux fauves plantés drus sur une nuque puissante, brunie au soleil, superbe de santé, de sève débordante, aimant une langue forte et vraie, mais dure souvent et cynique… Et il y a aussi une femme d’une grâce amollie et presque énervée, raffinée de goûts, italienne dans son amour des douceurs et des concetti, d’un parler musical et enjôleur, ayant préféré à l’odeur simple et saine de ses lavandes les parfums quintessenciés et musqués… Et le mot célèbre nous revient en mémoire : la Provence nous apparaît bien ici comme la gueuse parfumée, parfumée avec d’Urfé, gueuse avec Zola !


A-t-on parlé jamais de la Provence avec plus de juste grâce ? En a-t-on mieux montré le double aspect ? L’a-t-on mieux comprise en de plus longs ouvrages qu’en cette brève page d’un jeune homme de dix-huit ans qui la porte en lui, tout entière,