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Naples, Gênes, Bologne, des meetings suivis de cortèges ; qui sont dans les traditions italiennes. A Rome, la municipalité s’y rend, syndic en tête. De profonds barrages de troupes, en travers de la via Tritone, empêchent les manifestants, assemblés place Colonna, de se diriger vers le Palais del Drago, siège de l’ambassade des États-Unis. Des précautions, trop ostensibles, sont prises aux abords des ambassades de France et d’Angleterre. L’intervention des deux ambassades auprès du gouvernement obtient immédiatement l’éloignement de gardes compromettantes autant que superflues. Pour intempestive qu’elle soit, la mesure n’en indique pas moins la crainte, trop judicieuse, de voir l’impopularité de l’associé s’étendre aux Alliés. Le lendemain, l’émoi des esprits tourné à l’ébullition ; l’effervescence s’accroît dans les grandes villes. Le 26 au matin, rentrent à Rome, M. Orlando, le général Diaz, MM. Barzilai et Salvago-Raggi. Sur le passage de leur train, à Turin et à Gênes, ils ont été l’objet des manifestations enthousiastes et ont prononcé des allocutions de diapason plutôt élevé. La foule, à la gare des Termini et dans le voisinage, sur la place de l’Exèdre, dans la via Nazionale, est compacte. Cinq rangs de fantassins et deux de cavaliers barrent, à hauteur de la porte du Grand-Hôtel, la rue des Thermes de Dioclétien, par où l’on accède aux bureaux de l’ambassade des États-Unis ; des cordons de carabiniers ferment toutes les voies d’accès au palais de l’ambassadeur, mélancolique derrière tant de sabres et de baïonnettes. A l’intérieur de la gare, la salle d’attente royale et le quai sont littéralement encombrés. M. Orlando, le général Diaz, M. Barzilai passent, pressés comme harengs en caque, dans un remous de gens qui se bousculent. M. Salvago-Raggi doit, pour se frayer un passage, jouer des coudes et faire le coup de poing. Sur la place, M. Orlando, invité à parler, prononce une harangue éloquente, vibrante et passablement montée de ton : « L’Italie, dit-il, a connu la faim, pas le déshonneur ! » Le général Diaz se borne à quelques paroles, mais pour déclarer que l’armée est prête à faire son devoir, comme si une nouvelle guerre avait été à craindre. Le syndic de la ville, prince Colonna, dit le regret de Rome d’avoir acclamé M. Wilson et de l’avoir fait citoyen honoraire. Mieux vaudrait que ce ne fût pas exprimé, surtout par le maire de Rome et en présence du chef du gouvernement ; mais, à coup sûr, tous les Romains en