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guerre, mutilés, blessés, malades, invalides, et aux personnes dont ces victimes étaient les soutiens? Est-il admissible que les Allemands donnent plus de trois milliards six cents millions à leurs pensionnés, alors qu’ils ne nous versent pas encore un centime pour les nôtres?

Mais, puisqu’ils nous disent qu’ils désarment, nous allons, sans doute, trouver des économies considérables sur leur budget militaire. Voyons. Les dépenses de l’armée allemande dépassent, dans le budget ordinaire de 1920, deux milliards cinq cents millions et, dans le budget qualifié d’exceptionnel, un milliard sept cents millions. L’exception, ce sont les forces diverses qui s’ajoutent à l’effectif régulier de cent mille hommes. Le Conseil Suprême nous dira s’il est possible de tolérer plus longtemps une violation du traité qui se traduit par une dépense supplémentaire annuelle d’un milliard sept cents millions de marks, c’est-à-dire par un détournement d’un milliard sept cents millions de marks au détriment des Alliés créanciers, et plus particulièrement de la France dévastée. Mais le budget ordinaire lui-même nous révèle des détails étranges. Avant la guerre, l’entretien d’un soldat coûtait à l’Allemagne moins de douze cents marks par an. Aujourd’hui, la dépense pour un homme monte à vingt-cinq mille marks. Tenons compte aussi largement que possible de renchérissement de la vie, de la baisse du mark, du fait que les enrôlements volontaires se substituent aujourd’hui au recrutement obligatoire, il n’en restera pas moins une augmentation déraisonnable, que rien ne peut expliquer.

Et la marine de guerre allemande, l’Angleterre la croyait peut-être supprimée, détruite ou livrée? Nos amis britanniques feront bien de consulter le budget du Reich. Ils y relèveront une somme de cinq cent trente et un millions de marks affectée à la flotte dont l’Empereur était si fier; et s’ils veulent se rappeler qu’en 1913, à l’époque de sa plus grande puissance, cette flotte ne coûtait à l’Allemagne que deux cent vingt et un millions de marks, ils se demanderont peut-être avec quelque inquiétude si le Reich ne s’est pas dès maintenant approprié le mot de Guillaume II : « Notre avenir est sur l’eau. »

Mais poursuivons. Quel est, au budget du Ministère de l’Agriculture, ce crédit de trois milliards de marks? Il représente la dépense que supporte finalement le Reich dans les opérations d’achat et de revente auxquelles il se livre pour distribuer des denrées alimentaires au-dessous des prix courants. Ici encore, nous surprenons l’État débiteur en train d’accorder à ses nationaux des faveurs aux