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de Chatterton ; il l’avait reconnue tout de suite, car « bien souvent j’ai collé mes lèvres sur votre portrait… » Enfin il terminait en demandant un rendez-vous, encouragé sans doute par la liste des autres amants, que la renommée se chargeait de publier.

Mirecourt écrivit ainsi trois fois ; George se tint coite. La troisième lettre de Mirecourt se termine par ces mots : « Quand vous lirez ceci, j’aurai cessé de vivre ! » — Hélas ! combien ce genre de promesse est fallacieux : l’expérience nous apprend qu’il ne faut rien en attendre. Bref, Mirecourt ne mourut point, mais il écrivit, en revanche, quinze ans après tout ceci, la biographie de George, qui dut, cette fois, intervenir.

Cet incident, de bien peu d’importance en vérité, fut-il la cause de la résolution de George Sand ? lui fit-il prendre alors seulement le parti d’écrire un livre relatant exactement ( ? ) sa propre histoire d’amour ? Cela est peu croyable, et je pense, avec bien d’autres, que son parti était pris depuis longtemps déjà, et que les erreurs de Mirecourt n’y furent pour rien. Les romantiques ne se sont-ils pas toujours racontés dans leurs œuvres, avec un entrain unanime ? George ne faisait que suivre en cela l’exemple de ses prédécesseurs.

Donc, George écrit, après la mort de Musset, Elle et Lui ; c’est le reproche fondamental qu’on lui fera : elle a attendu, pour écrire ce livre, que la voix de son amant fût silencieuse à jamais. Elle composa son roman en un mois : du 29 avril au 30 mai. La Revue, depuis l’Homme de Neige, lui était ouverte à nouveau ; elle y apporta ce livre : « M. Buloz, dit Spoelberch de Lovenjoul, n’était ni un complaisant, ni un témoin corruptible. De plus, sa situation particulière d’ami et de confident ; des deux affolés d’amour, pendant la période même de leur lutte, donne à ses appréciations, dans ce débat, un caractère tout particulier d’autorité. »

Et voici l’opinion de F. Buloz, sa première impression, sur Elle et Lui :


« Mon cher George,

« J’ai lu votre roman autobiographique. Pour moi qui connais les faits, qui vous ai même toujours défendue verbalement à l’endroit d’Alfred, je vous trouve dans la vérité et dans la modération, dans le portrait que vous tracez.

« Mais le public, qui ne sait pas tout cela, pourra vous