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plus ou moins expresse, que dans les milieux d’extrême-droite, où l’entente avec le réactionnarisme prussien a toujours été considérée comme une condition vitale pour le tsarisme. Or, l’étouffement du nationalisme polonais est la base même de cette entente.

A huit heures du soir, je pars pour Moscou avec sir George et Lady Georgina Buchanan.


III. — L’EMPEREUR A MOSCOU.


Mardi, 18 août 1914.

Arrivé ce matin à Moscou, je me rends, vers dix heures et demie, avec Buchanan, au Grand-Palais du Kremlin. On nous introduit dans la Salle de Saint-Georges, où sont déjà réunis les hauts dignitaires de l’Empire, les ministres, les délégations de la noblesse, des bourgeois, des marchands, des corporations charitables, etc… une foule dense et recueillie.

A onze heures précises, l’Empereur, l’Impératrice et la famille impériale font leur entrée. Les grands-ducs étant tous partis pour l’armée, il n’y a, en dehors des souverains, que les quatre jeunes grandes-duchesses, filles de l’Empereur, le Césaréwitch Alexis, qui, s’étant blessé hier à la jambe, est porté sur les bras d’un Cosaque, enfin la Grande-Duchesse Élisabeth-Féodorowna, sœur de l’Impératrice, abbesse du Couvent de Marthe-et-Marie de la Miséricorde[1].

Au centre de la salle, le cortège s’arrête. D’une voix pleine et ferme, l’Empereur s’adresse à la noblesse et au peuple de Moscou. Il déclare que, selon la tradition de ses aïeux, il est venu chercher le soutien de ses forces morales dans la prière aux reliques du Kremlin ; il constate qu’un élan magnifique soulève la Russie entière, sans distinction de race ni de nationalité ; il conclut :

— D’ici, du cœur de la terre russe, j’envoie à mes vaillantes troupes et à mes valeureux alliés mon ardent salut. Dieu est avec nous !…

Une longue clameur de hourrahs lui répond.

Tandis que le cortège se remet en marche, le Grand-Maître des Cérémonies nous invite, Buchanan et moi, à suivre

  1. Veuve du Grand-Duc Serge-Alexandrowitch, qui fut assassiné à Moscou, le 27 février 1905.