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désormais devant toutes leurs prétentions, quelque immodérées qu’elles fussent, et, appliquant certains usages orientaux privés, ils instituèrent un véritable marchandage.

On peut affirmer que l’affaire de la Bekaa fut le point de départ de nos difficultés en Syrie avec l’émir Feyçal et son gouvernement, convaincus de notre faiblesse militaire et croyant à notre incapacité politique.

Avant l’accord franco-anglais de septembre 1919, Feyçal avait pu croire que la situation politique internationale issue de la guerre mondiale ne laissait rien subsister des conventions Sykes-Picot de 1916, ou tout au moins qu’elle réduisait considérablement, au profit de l’Angleterre, la part qui y était faite à la France. Les modalités de l’occupation, les intrigues de certains agents officieux britanniques, les subsides qu’ils versaient sans compter, n’avaient pas peu contribué à en persuader l’Émir. Ce fut un rude coup pour lui lorsqu’il s’aperçut que le cabinet de Londres de 1919 tenait loyalement les engagements pris, et qu’il ne lui restait plus qu’à chercher et à trouver un terrain d’entente avec le Gouvernement français.

Feyçal, venu en Europe pour plaider sa cause devant la Conférence de la Paix, et s’entendre avec Paris, ne cesse alors de revendiquer le royaume arabe rêvé par son père, royaume qui se confond pratiquement dans sa pensée avec toute la Syrie. Il se pose volontiers en Bédouin simple et de bonne foi, mais il ne laisse pas toutefois de faire preuve de la plus complète duplicité. Alors qu’il réitère à M. Clemenceau ses assurances de loyal concours avec les autorités françaises, il excite en Syrie ses partisans contre nous, espérant ainsi donner le change sur l’importance du mouvement chérifien et peser sur les négociations en cours.

À cette époque, en effet, la presse de Damas renouvelle ses attaques, plus âprement que jamais, contre la France et ses représentants en Syrie. Elle prêche même ouvertement la révolte contre nous, et applaudit aux troubles qui commencent à se produire sur plusieurs points du territoire : à El Hammam, dans le Nord, à Tel Kalah, à Faalbeck, à Rayak, aux portes même du Liban, dans le Merdj Ayoun enfin au Sud et sur le Litani, près de la frontière de Palestine. Ces troubles, actes de pillage sur des populations amies, attentats contre nos postes, nos officiers et nos soldats, sont le fait de bandes de brigands, sou-