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POÉSIES


PRÉLUDE


Beaux arbres qui sonnez au vent comme des lyres
Sous d’invisibles doigts,
Peupliers qui, bravant l’orage et ses délires,
Restez minces et droits,

Je viens vous visiter au soir de mes journées
Sur le grand coteau clair,
D’où vous n’apercevez, loin de nos cheminées,
Que la lande et la mer…

Et, tandis que la brise agite encor vos branches
D’un frémissement doux,
Qu’à vos pieds le soleil couchant teint les pervenches
D’un or fluide et roux,

Que les vagues au loin tombent, que sur la sente
Un rayon glisse et meurt,
Appuyant sur vos troncs ma tête bruissante
D’une lourde rumeur,

Je viens vous demander, Arbres, quel sortilège
Vous fait harmonieux
En ne tirant de vous, qu’il soleille ou qu’il neige,
Qu’un hymne vers les cieux,

Et comment, quel que soit l’âpre vent qui l’opprime,
Dans l’ombre ou sous l’azur,
L’homme peut, comme vous, n’exhaler de sa cime
Qu’un chant sonore et pur…