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sous une forme pratique, assimilable, appropriée à leur mentalité, autant que possible technique et professionnelle, et en y ajoutant l’attrait de récompenses et d’avantages : prix et primes scolaires, etc. Plus encore que celle des garçons l’éducation des filles hâterait la transformation des sociétés musulmanes.

La condition des femmes qui résulte des relations entre époux telles qu’elles ont été fixées par la législation islamique et des droits exorbitants dont leurs maris disposent sur elles, voilà la différence essentielle qui sépare les familles musulmanes des nôtres. Cette différence s’est considérablement atténuée en Égypte et même en Turquie dans la classe riche et cultivée et ce progrès est dû pour une bonne part aux maisons d’enseignement, religieuses pour la plupart, si nombreuses et si prospères dans ces pays et qu’on y trouve même dans des localités éloignées. Ailleurs la complète ignorance, l’effacement pour ne pas dire la nullité, de la femme sont la principale cause, surtout chez les gens du peuple, de l’état social arriéré des musulmans. Pour que la femme musulmane, trop souvent jusqu’ici traitée comme une servante ou comme un instrument de plaisir, devienne pour son mari une compagne, pour ses enfants une éducatrice, il faut lui donner les connaissances et les qualités qui lui manquent. Le moyen le plus rapide et le plus pratique d’y parvenir est d’organiser des écoles ménagères, des cliniques, des ouvroirs, fixes ou ambulants, où elles apprendraient l’hygiène élémentaire et la tenue du ménage tout en perdant leurs préjugés et leurs préventions.

De tout ce que nous venons d’écrire, nous paraît résulter que la religion islamique, qui fait preuve d’une remarquable faculté de s’adapter aux mœurs et aux croyances des peuples chez lesquels elle s’implante, règle de moins en moins la vie profane de ses fidèles et tend à se confiner dans les limites de leur conscience individuelle, que les musulmans abandonnent leur genre de vie, changent leurs idées, leurs sentiments, leurs coutumes, pour adopter, parfois sans discernement, nos usages, prendre nos besoins, se soumettre à nos lois et à nos institutions, bref, évoluent vers la société occidentale qu’ils enrichiront d’une force immense encore incomplètement et imparfaitement utilisée.

Il y a près de soixante ans, Prévost-Paradol traçait dans