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budget des cultes. Et cette effroyable perspective faisait trembler les pasteurs et les ouailles. « Un Etat, disait Napoléon ! er, n’a qu’une autorité précaire quand il existe dans son territoire des hommes ayant une grande influence sur les esprits et les consciences, sans que ces hommes lui appartiennent. » C’est là ce qui longtemps avait fait différer la rupture ; elle n’eût pas eu lieu si l’Église n’eût paru décidément sur ses fins ; jamais un gouvernement ami n’aurait concédé cette indépendance. Il fallut, non seulement que le pouvoir civil de 1905 eût peu de sympathie pour le catholicisme, mais surtout qu’il le crût mourant ; il lui infligea la séparation... pour l’achever.

Au village, M. Homais triompha ; son curé, l’abbé Bournisien, se lamenta ; des conséquences désastreuses de la mesure, ni l’un ni l’autre ne doutaient. Ils se trompaient tous deux. L’Evangile débarrassé de ses chaînes, libre, pauvre et seul, apparaissait à notre démocratie du XXe siècle comme il était apparu à Jérusalem, le lendemain de la première Pentecôte, lorsque Pierre, sur les degrés du temple, dénué de toute subvention budgétaire, ouvrit la bouche pour la première fois ; on allait voir de nouveau ce qu’il pouvait faire et s’il avait perdu, avec sa fraîcheur, sa force et sa vertu.

La séparation débuta par une victoire des catholiques et par un échec du pouvoir. Celui de 1905, en dressant l’acte de divorce, avait, comme celui de 1790 à 115 ans de distance, fait lui aussi sa « Constitution civile du clergé. » A ne pas l’accepter, il y avait gros à perdre pour le prêtre ; l’Etat se flattait que des prélats dont il avait pris soin d’éplucher le dossier, avant de leur donner son investiture par l’ « anneau d’améthyste, » ne feraient pas trop la petite bouche pour avaler celte-constitution. Or il se trouva qu’en 1905 le successeur de Pierre, redevenu au temporel, disait-on, simple sujet romain, — comme l’était au premier siècle l’apôtre dont il tient la place, — fut, au spirituel, beaucoup plus puissant que n’avait été le pape-roi de 1790.

« Cette loi française, dit simplement le chef des consciences catholiques, cette loi que viennent de faire le gouvernement et le parlement issus de la volonté nationale, je ne l’accepte pas. Elle ne sera pas appliquée. » Et la puissance majoritaire, le pays légal recula ; il n’osa pas fermer les temples. Il a pris « argent dont il avait les clefs ; il n’a pas touché au culte. Puisque les fidèles ne pliaient pas devant les textes, on s’est