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où il (Napoléon) avait la faiblesse de vouloir qu’on l’admirât, rien ne lui réussissait. » — Il est vrai, ajoute Blaze, qu’en revanche sur d’autres terrains, les choses allaient mieux ; sans quoi nous ne verrions pas l’auteur de ce portrait mettre tant d’animosité dans son langage[1].

Rappelant Metternich, Henri Blaze est amené à mentionner la princesse Mélanie Zichy, « esprit très insoumis et mobile, aimant surtout à dominer… » femme indomptable ; il rappelle la réponse de Metternich au maréchal Maison, après que l’ambassadeur de Louis-Philippe vint se plaindre des impertinences de la dame : « Que voulez-vous, monsieur le Maréchal, ce n’est pas moi qui l’ai élevée ! »

C’est ici encore que l’on voit le charmant prince de Pückler Muskau, « dandy » Berlinois qui parcourait alors le monde en « touriste » enragé, sceptique, moqueur, insouciant du but, et voyageant pour voyager… « épicurien rusé, rasé, blasé, coquetant parfois avec les idées libérales, parfois affirmant qu’un despotisme bien entendu, et même l’esclavage, sont les seuls moyens qu’il y ait de gouverner une nation. » Blaze de Bury esquisse le personnage, mais son modèle, visiblement, l’inquiète : cette fantaisie-là dépasse celle du critique, et il ne goûte pas la façon dont « le prince se moque de tout. »

Pückler Muskau s’occupa à ses heures de l’art des jardins ; il sut créer et dessiner les plus beaux ; il possédait ce don. Il est vrai qu’il y mettait une énergie rare : pour une idée, pour un caprice, « il changeait le lit des rivières, creusait des vallons… et remuait le sol de fond en comble. » Le vieux roi de Hanovre, Ernest-Auguste, ne pouvait surtout le voir arriver sans trembler à l’instant pour l’économie de ses résidences, car cette manie que possédait le prince de « modifier les perspectives, de voiler ou d’éclairer les horizons, de faire voyager du Nord au Sud les kiosques et les stations, était connue du monde entier. » Blaze de Bury juge Pückler Muskau, un homme bizarre et redoutable. Ce prince est cependant bien divertissant, et ses boutades, très inattendues. C’est lui qui déclarait (chez Varnhagen, je crois) : « Je ne discute jamais qu’avec des gens qui sont de mon avis ! »

Chemin faisant, dans la même étude, on rencontre l’étonnant vieux M. de Gentz, fastueux publiciste, épris de Fanny Elssler,

  1. Les Salons de Vienne et de Berlin.