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n’ayant sans doute rien de mieux à faire, se font étudiants : Balzac pour le Droit, en futur orateur qui exploitera les grands thèmes juridiques et politiques ; Théophile, pour la Médecine, en libertin curieux des secrets de Nature.

Ils n’étaient pas les premiers, ils ne furent pas les derniers à fréquenter l’illustre Université.

En effet, pendant que le goût des batailles recrutait les régiments français du prince Maurice, le prestige de la science faisait venir à Leyde, de tous les points de la France, des professeurs et des étudiants.

On raconte que lorsque le Taciturne offrit à la ville de Leyde, en récompense d’une héroïque défense, le choix entre l’exemption d’impôts et la fondation d’une Université, les bourgeois optèrent pour l’Université. Ce n’est pas mal pour un pays qui, selon Saumaise, adore « le démon de l’or couronné de tabac et assis sur un trône de fromage. » Ces marchands s’inclinent devant l’esprit, et payent la science. La Réforme leur a appris à respecter la doctrine, et leurs imprimeurs leur ont révélé qu’un livre n’est pas une marchandise tout à fait de même ordre qu’une pièce de drap ou un baril de harengs.

L’Université, installée en 1675 au couvent de Sainte-Barbe, et presque aussitôt à l’église des Béguines voilées, trouve six ans après son établissement définitif au cloître des Dames Blanches, derrière lequel, jusqu’au fossé de la ville, ou Blanc Fossé, s’étend le vaste Hortus, le Jardin Botanique. Dans la vieille église de briques aux longues fenêtres ogivales se voient encore les amphithéâtres avec leurs vastes cheminées et leurs solives apparentes : le Groot Auditorium réservé à la théologie ; le Klein Auditorium où habitait le Droit ; la salle voûtée du bas où la philosophie cherchait la lumière, et la salle actuelle du Sénat où professaient les médecins. On voit dans l’Aula la chaire de bois sculpté où s’asseyaient les nouveaux professeurs pour leur leçon inaugurale. Ces salles et ces murs sont tout pleins de passé : on y sent fortement la continuité de la civilisation, et à quel point la culture d’aujourd’hui plonge ses racines dans la culture du passé.

En France, chez Molière, on rit des noms en us : noms de pédants qui évoquent des faces grotesques. Hors de France, on n’est pas tenté de rire, quand, en y regardant de près, sous beaucoup de ces noms, Donaeus, Junius, Clusius, Baudius, etc…