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Russie et du Japon, toujours en quête d’un prétexte ou d’une occasion pour agrandir leurs territoires limitrophes aux dépens de celui de la Chine.

Le vice-roi jugeait indispensable, en effet, non sans de graves raisons, cette politique de temporisation, tant que son pays n’aurait pas remédié, par les réformes nécessaires, à son impuissance militaire et maritime.

C’est en vue de réaliser ces réformes, qu’il s’était imposé des sacrifices exceptionnels pour se constituer, avec l’aide de quelques officiers et d’instructeurs étrangers, une petite armée et une flottille de guerre capables, soit de couvrir Pékin sur terre et sur mer, contre l’attaque brusquée d’une nation voisine, soit, au contraire, d’y pénétrer, au premier signal de sa souveraine, pour la défendre contre un danger quelconque : on pouvait redouter, par exemple, une conspiration, de quelque prince mandchou de la famille impériale, hostile à la régence de la mère du jeune souverain, à cause de sa basse extraction, et bien qu’elle fût d’une intelligence supérieure.

Li-Hong-Tchang était d’ailleurs d’autant plus intéressé à maintenir, à tout prix, l’Impératrice au pouvoir, qu’en retour, elle lui assurait son appui souverain, ouvertement, ou même secrètement, dans les heures critiques où il risquait de succomber sous la violence des attaques d’une coalition de ses adversaires politiques.

C’était à elle, en effet, qu’il devait sa haute fonction de directeur de la politique étrangère de l’Empire. Il tenait surtout à cette fonction, car elle lui permettait d’intervenir efficacement en faveur de la paix, chaque fois que son pays était menacé d’un conflit redoutable avec une Puissance voisine mieux armée.


* * *

J’ai pu me rendre compte, par l’exemple suivant, de la façon habile dont Li-Hong-Tchang appliquait, à l’occasion, sa méthode de temporisation pacifique, pour éviter une guerre imminente.

Un jour, ayant été convoqués d’urgence, M. Dillon et moi, dans le yamen du vice-roi, il nous reçut, d’un air radieux, et nous annonça qu’il venait de réussir à empêcher la guerre avec la Russie, dont la menace le préoccupait si fort au moment de mon arrivée à Tien-Tsin.