Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Etats-Unis, en effet, n’est guère justifiable, et il est permis de s’étonner que les hommes d’Etat américains n’en aperçoivent ni l’impossibilité’, ni le danger.

L’impossibilité d’abord. Comment tracer des frontières entre les questions qui constituent le formidable règlement de la paix, et soutenir que certains problèmes soient d’un intérêt spécialement européen, d’autres d’un intérêt mondial ? Comment prétendre surtout que les difficultés dites européennes se résoudront mieux sans la participation des Etats-Unis ? M. Vanderlip, dans les déclarations que nous avons mentionnées, exprimait la confiance que la conférence de Gènes aiderait les délégués « à voir ce fait sur lequel MM. Barthou et Lloyd George ont attiré l’attention dans leurs discours de la séance inaugurale, à savoir que l’Europe est une unité économique. » Et il ajoutait : « Jusqu’à ce que les hommes d’Etat et les peuples reconnaissent plus clairement ce fait, tout progrès dans la reconstruction de l’Europe sera arrêté. »

Il est bien à craindre que tout progrès ne soit arrêté, tant que les hommes d’Etat et le peuple américain n’auront pas reconnu cet autre fait plus important encore, parce qu’il est plus général et domine le premier que, dans la situation actuelle, ce n’est pas l’Europe seulement qui forme une unité économique, mais le monde entier. Le monde entier : et nous savons, — mais les Américains savent aussi et nous ne devrions pas avoir à le leur rappeler, — quelle place y occupe leur pays. Si grande qu’elle fût déjà quand elle était proportionnée à la grandeur même, à la richesse, à l’activité de la nation, elle est grandie encore par les circonstances. N’est-ce pas l’Etat américain qui détient la plus grande réserve métallique d’or ? N’est-ce pas son dollar qui est devenu, en fait, l’étalon monétaire universel ? Les États-Unis ne disposent-ils pas, par leur puissance économique, par leurs créances sur l’Europe, d’une incomparable force ? Comment la reconstruction de l’Europe pourrait-elle s’effectuer sans leur aide ? Et dès lors, s’ils la refusent, le danger n’est pas moindre pour eux que pour nous.

Mais la refusent-ils ? Certains indices, certains témoignages nous permettent de supposer, d’espérer qu’elle est seulement ajournée. Le refus du Gouvernement américain de prendre part à la Conférence n’a pas entraîné, fort heureusement, l’absence des Américains. Des journalistes, des financiers, des hommes