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de religion ni un corps de doctrines, mais un sentiment et une tradition. » On ne saurait mieux dire ; et dans ce sentiment, dans cette tradition, voisinent un certain culte du vieux passé chrétien et certaines préventions nationales contre Rome, un désir d’unité et une crainte parfois farouche à l’égard du centre de l’unité. Tout cela se concilie tant bien que mal ; ailleurs, cela pourrait s’entreheurter, mais dans l’anglicanisme, tout cela se contrebalance, en une sorte d’équilibre instable que raffermissent au jour le jour de charitables compromis. Depuis le XVIe siècle jusqu’en 1850, au delà de la Manche, on avait assisté au phénomène de la multiplication des Eglises et des sectes : l’esprit « non-conformiste, » conséquence assez logique des principes mêmes de la Réforme, avait cru ratifier, par l’infinie diversité des groupements religieux, la vie multiple de l’Esprit, « qui souffle où il veut. » Mais il y a soixante-quinze ans, des courants contraires apparurent, qui visaient, non plus à l’émiettement, mais au contraire à l’établissement de liens étroits entre l’anglicanisme officiel et les diverses Eglises non-conformistes ; et dans les dernières années ces courants n’ont fait que s’accentuer. On a vu l’évêque anglican de Londres, en 1918, se tourner vers les presbytériens d’Ecosse, et leur dire en substance : « Pourquoi n’accepteriez-vous pas que les modérateurs de vos synodes reçussent la consécration épiscopale ? Et de notre côté, nous envisagerions l’acceptation, dans l’établissement religieux anglican, du système presbytérien des cours ecclésiastiques. » Puis le même évêque, se tournant vers les méthodistes, se demandait si leurs diverses chapelles, dans une Eglise désormais unie, ne pourraient pas être considérées comme des façons de Tiers-Ordre [1].

Mais ces avances de l’anglicanisme officiel à l’endroit des Eglises libres supposent, on le devine, des concessions et des complaisances canoniques, et parfois doctrinales : l’anglicanisme devra, à certains jours, se montrer plus coulant au sujet du contenu de son Credo, et rechercher les demi-silences, les formules atténuées, comme celles qu’adopta, par exemple, la conférence de Lambeth [2]. A la faveur de ces formules faciles, on pourra ne voir dans les « sacrements divinement institués, baptême, communion, » qu’une « expression corporative de la

  1. Batiffol, Le Correspondant, 10 juin 1919, p. 781-786.
  2. Batiffol, Revue des Jeunes, 10 septembre 1920, p. 497-509.