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Le maréchal Allenby est venu à Londres porteur d’un projet d’autonomie presque complète qui ne réserverait guère à l’Empire que la zone du canal de Suez, le Soudan et la sécurité des communications pour s’y rendre. Mais les Égyptiens, encouragés par le succès, s’en contenteront-ils ? — Aux Indes, la politique de « non-coopération, » c’est-à-dire de boycottage passif, dirigée par M. Gandhi, apparaît de plus en plus dangereuse. Le vice-roi, lord Reading, n’ose pas toucher au chef vénéré de l’hindouisme ; dernièrement quelques-uns de ses partisans ayant massacré des agents de la police anglaise, « le Saint » s’est imposé cinq jours de jeûne pour témoigner sa réprobation de tels procédés ; il condamne toute violence, mais sa tactique de résistance passive, de « désobéissance civile » n’en est pas moins redoutable. D’ailleurs ce doux apôtre, dont l’idéal est un retour à la vie sociale et aux mœurs du bon vieux temps, sera et est déjà dépassé, comme tous les Tolstoï, par ses disciples. Par le traité de Sèvres, l’Angleterre s’est aliéné les Musulmans. Dans cet immense Empire de 300 millions d’habitants, son autorité ne trouve plus de point d’appui. La grève des foules sur le passage du prince de Galles a manifesté publiquement la désaffection à l’égard de l’Empire et l’esprit de discipline des Indous. Lord Northcliffe, qui vient de débarquer en France, après une longue tournée à travers l’Empire britannique, n’a pas caché l’inquiétude que la situation des Indes, de la Palestine, de l’Egypte lui inspire ; mais il envoie « un grand coup de chapeau » à la France pour les résultats qu’il a constatés en Indochine, au Maroc. — Non, M. Lyold George, responsable de l’avenir du plus vaste empire que le monde ait jamais vu, n’est pas sur un lit de roses ! Est-ce une raison pour prendre des décisions précipitées ? Est-ce une raison pour chicaner la politique française dans son action continentale ? pour la combattre en Orient, comme lord Curzon n’a cessé de le faire depuis l’armistice, au grand dommage de son propre pays ? Il était facile, après la guerre et la victoire, à l’Angleterre et à la France, de présenter à l’Allemagne un front unique, d’opposer à la Turquie une volonté commune. Le danger n’est fait que de nos divisions. Nous avons besoin les uns des autres, et les récents incidents de Tunis prouvent que les événements de Turquie et d’Egypte ne sont pas sans écho dans notre empire africain. Puisse du moins, à Gênes, se manifester une politique commune !

Les chefs bolchévistes, qui sont de redoutables manœuvriers, ont cherché, en ces derniers jours, à faire croire qu’ils sont sur le point de conclure avec le Gouvernement français un accord particulier.