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REVUE DES DEUX MONDES.

Ce jour-là les notions-mères de la science classique cesseront d’être métaphysiques ; mais dès aujourd’hui, si métaphysiques qu’elles soient, elles semblent claires et concevables sinon mesurables. Au contraire, la notion einsteinienne de la propagation lumineuse est et reste encore inconcevable.

À coup sûr, il doit y avoir, dans le rôle que joue le nombre qui exprime la vitesse toujours invariable de la lumière, quelque profonde réalité substantielle, cachée et subtile, qui nous échappe encore. Cela doit être, à en juger par les étonnantes conséquences vérifiées qu’Einstein a su tirer de cette base mystérieuse.

En un mot, la base de la science classique échappe à l’emprise de nos sens, non à celle de notre imagination ; la base de la doctrine einsteinienne nous est au contraire sensible, mais encore inimaginable. On pourrait donc hésiter entre l’une et l’autre, si la construction comparée des deux systèmes, leurs volumes respectifs et les horizons inégalement vastes qu’ils nous ouvrent sur l’universel paysage ne devaient nécessairement incliner notre dilection vers le second.

La théorie d’Einstein est un arbre merveilleux qui a porté plus haut et plus loin qu’aucun autre les fleurs idéales de la pensée humaine. Pareil aux palmiers de l’Oued-Souf, cet arbre singulier émerge d’un puits tout rempli de ténèbres, mais où chante, invisible, une eau fécondante…

Charles Nordmann.