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s’appellera Péril en la demeure, après s’être appelée quelque temps le Mari joué, et analyse, elle aussi, un cas de mésentente conjugale. M. de la Roseraie, qui est directeur du personnel au ministère des Affaires étrangères, est un homme de quarante ans, qui a la confiance de son ministre et qui a de l’ambition. Il excelle à débrouiller l’écheveau compliqué des conflits internationaux. La question d’Orient lui est familière. Mais s’il connaît la carte du monde, il ignore celle du Tendre. Il délaisse sa charmante femme, Caroline, sans même se douter qu’elle en souffre et qu’elle a besoin de distraction. Précisément, un jeune homme est là Un jeune homme est toujours aux environs. Celui-ci, Albert de Vitré, manœuvre pour éviter d’être nommé en Espagne et pour demeurer à Paris, dans le voisinage de l’aimable femme. Mais il a compté sans sa mère, la baronne de Vitré, qui est perspicace et veut à tout prix le sortir des amourettes mondaines et assurer sa carrière. Elle déjoue tous les calculs des deux amoureux, obtient le départ d’Albert, fait de Caroline une honnête femme presque malgré elle et de M. de la Roseraie un mari plus attentif. Ce petit ouvrage en deux actes ne serait pas très neuf, sans la création de ce type, la baronne de Vitré, qui tire avec dextérité toutes les ficelles. La baronne n’est pas une de ces honnêtes femmes qui vivent les yeux fermés. Elle a même ce joli mot : « Il n’y a rien de tel que d’avoir été honnête femme toute sa vie pour savoir ce qu’il en coûte. » Sa vertu a peu d’illusions. Peut-être doit-elle à cela d’apercevoir avec tant d’à-propos les dangers de la passion. Ajoutez à ces personnages celui d’un vieux beau, Favières, tout à fait épisodique, mais assez amusant.

Péril en la demeure devait précéder à la Comédie-Française le Village pourtant reçu auparavant. Octave Feuillet, partagé entre ses deux pièces qui lui sont également chères, l’ancienne et la nouvelle, est dans tous ses états. « Je ne le reproche qu’une chose, lui écrit son frère, c’est de prévoir les choses de trop loin. À cause de cela, les embarras et les inquiétudes à toi durent des mois et des années au lieu de durer tout simplement vingt-quatre heures… » Quand le tour de faveur, donné à Péril en la demeure, est assuré, Eugène se met en rapport avec les interprètes. Il va voir Régnier et Mme Allan, à qui seront distribués les rôles principaux. Surtout qu’Octave n’accueille pas de travers les petits changements que ne manquera pas de