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partage sur les affleurements des cheminées diamantifères et le terrain fut divisé, comme un damier, en une série de compartiments. Chacun n’avait droit qu’à un claim et devait le travailler lui-même, sans pouvoir s’absenter plus d’une semaine. Mais une alluvion cesse à quelques mètres de profondeur, tandis que la cheminée n’avait aucune limitation profonde. Quand tous ces petits travailleurs individuels commencèrent à s’enfoncer, des difficultés de toutes sortes se produisirent. Les murs des talus trop élevés s’éboulaient. L’eau s’accumulait dans le fond des trous. Chaque éboulement entraînait des rixes. Celui qui le subissait voyait son chantier envahi ; celui qui le faisait tomber chez son voisin réclamait la propriété de sa roche. Dans une population d’aventuriers, il en résulta des heures critiques, à la suite desquelles on assista, d’une façon instructive, à la constitution empirique d’une société, partie de l’anarchie pour arriver à la discipline.

La première mesure prise fut d’exproprier provisoirement une rangée de claims sur deux pour établir une servitude de passage. Sur ces espèces de routes, chaque mineur installa son treuil, sa poulie et son câble destinés à remonter la roche abattue. Mais, bientôt, les excavations s’approfondissant, les talus recommencèrent à s’ébouler et l’on creusa les routes dans la partie centrale jusqu’à ce que les pentes devinssent impraticables pour les charrois. Enfin, au bout de trois ans, en 1873, on abandonna les routes intermédiaires, et c’est sur le bord d’un immense cratère que l’on installa 1 600 câbles aériens communiquant avec le fond des 1 600 claims. A cette époque, le trou de Kimberley ressemblait à quelque ville en ruine, vue d’en haut sous un éclairage lunaire et, sur les parois sombres du gouffre, les câbles dessinaient la plus bizarre toile d’araignée.

Pendant trois ans encore, on s’entêta dans ce mode d’exploitation fantastique jusqu’au moment où, en 1876, les chutes énormes des parois, coïncidant avec la baisse du diamant provoquée par la surproduction, firent comprendre aux plus entêtés que le travail individuel, égal pour tous, était impossible à conserver dans une exploitation profonde. On dut autoriser le groupement de plusieurs claims dans les mêmes mains ; et, aussitôt, se formèrent des ébauches de sociétés, bientôt fusionnées en des sociétés plus puissantes, qui aboutirent finalement,