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une note hautaine et menaçante ; le duc, fort de l’appui de l’Autriche, y répondrait d’une manière impertinente. Là-dessus, Votre Majesté ferait occuper Massa et la guerre commencerait. Comme ce serait le duc de Modène qui en serait la cause, l’Empereur pense qu’elle serait populaire, non seulement en France, mais également en Angleterre et dans tout le reste de l’Europe, vu que ce prince est, à tort ou à raison, considéré comme le bouc émissaire du Despotisme. D’ailleurs, le duc de Modène n’ayant reconnu aucun des souverains qui ont régné en France depuis 1830, l’Empereur a moins de ménagements à garder envers lui qu’envers tout autre prince.

Cette première question résolue, l’Empereur me dit : « Avant d’aller plus loin, il faut songer à deux graves difficultés que nous rencontrerons en Italie : le Pape et le roi de Naples ; je dois les ménager ; le premier pour ne pas soulever contre moi les catholiques en France, le second pour nous conserver les sympathies de la Russie qui met une espèce de point d’honneur à protéger le roi Ferdinand. » Je répondis à l’Empereur que, quant au Pape, il lui était facile de lui conserver la tranquille possession de Rome au moyen de la garnison française qui s’y trouvait établie, quitte à laisser les Romagnes s’insurger ; que le Pape, n’ayant pas voulu suivre, à leur égard, les conseils qu’il lui avait donnés, il ne pouvait trouver mauvais que ces contrées profitassent de la première occasion favorable pour se débarrasser d’un détestable système de gouvernement que la cour de Rome s’était obstinée à ne pas réformer ; que, quant au roi de Naples, il ne fallait pas s’occuper de lui, à moins qu’il ne voulût prendre fait et cause pour l’Autriche ; quitte toutefois à laisser faire ses sujets, si, profitant du moment, ils se débarrassaient de sa domination paternelle.

Cette réponse satisfit l’Empereur, et nous passâmes à la grande question : Quel serait le but de la guerre ?

L’Empereur admit sans difficulté qu’il fallait chasser tout à fait les Autrichiens de l’Italie, et ne pas leur laisser un pouce de terrain en deçà des Alpes et de l’Isonzo ; mais ensuite, comment organiser l’Italie ?

Après de longues dissertations dont j’épargne le récit à Votre Majesté, nous avons à peu près convenu des bases suivantes, tout en reconnaissant qu’elles étaient susceptibles d’être modifiées par des événements de la guerre. La vallée du Pô, la