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faire admettre que je comprends à peu près le style oratoire, mais pas celui de la conversation courante, et c’est pourtant la vérité. D’ailleurs, à la réflexion, mes hôtes constatent que, de leur côté, beaucoup de Péruviens comprennent ou sentent ma réponse aux discours qu’on m’adresse, et ne sont pas en état de tenir une conversation en français. Nos aimables hôtes nous promènent en auto pour prendre contact avec la campagne. Nous ne sommes plus qu’à 1 800 mètres d’altitude, et nous retrouvons les cultures tropicales, mêlées à celles de la zone tempérée [1].

Un banquet nous ramène au Club national, qui se termine par d’autres discours, auxquels je dois répondre, et nous sommes reconduits ensuite à notre train qui part doucement au petit jour.

C’est le 11 août, à 9 heures, que nous arrivons à Jauja (prononcez Kaouka), avec une heure d’avance, fait rare sur les chemins de fer. Toutefois, notre train a été signalé et nous trouvons les autorités à la gare, avec un grand concours de peuple. Nous sommes conduits au Club, puis à la Mairie, et, après l’échange de quelques discours, le syndicat socialiste des ouvriers me harangue par la bouche de son représentant, qu’accompagne une délégation assez importante. Je comprends suffisamment la première partie de son discours et l’hommage de sympathie rendu à notre pays, champion de la liberté, mais j’ai soin de ne pas me faire traduire le reste, qui a trait évidemment aux revendications ouvrières de la région, dont il serait inconvenant à tous les égards que je me mêlasse... Je lui dis que la victoire du Droit, dont le peuple péruvien se réjouit avec le peuple français, a été remportée grâce à l’union de tous les citoyens, et que ceux-là mêmes auxquels on avait pu reprocher de laisser s’obscurcir en eux l’idée de patrie avaient compris que la cause de la France se confondait avec celle de l’humanité et avaient combattu à leur rang de bataille ; j’ai parlé de nos ouvriers et de notre peuple ; j’ai dit les liens que le souvenir de la Grande Guerre avait créés entre tous les combattants : la France a proclamé et pratiqué le respect de la personnalité humaine, et ce sentiment s’accompagne maintenant d’une fraternité

  1. Je pense que dans aucun pays du monde on ne peut rencontrer dans les mêmes vingt-quatre heures, comme nous venons de le faire, des sites et des climats aussi divers.