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s’ils veulent en être affranchis. Nous attendons la réponse, mais tout cela n’aboutit à rien, il faut du canon. Pour ma part, mon cher, je suis le mouvement et j’en profite suivant l’opportunité. Mais rien ne m’étonnerait que, d’ici à peu de temps, quelque grave événement ne m’obligeât de prendre les avances ; quelque Etat italien qui demande mon secours, quelque désertion de corps ennemi en masse ; celle des troupes des duchés nous l’avons déjà empêchée ; sinon, ce serait déjà fait et autres événements de ce genre. De manière que je crois que le moment s’approche, qu’on ne pourra ni retenir les hommes, ni le temps, et qu’il faut se préparer hardiment et vite. L’Italie est toute unie d’idée et en grande partie d’action ; des milliers d’Italiens sont déjà venus se ranger sous nos drapeaux, et partout on ne demande qu’à combattre. Te rappelles-tu lorsque je t’ai dit que le premier coup de collier, c’était nous qui devions le donner, et le donner bien raide ? cela te paraissait alors impossible et pourtant, si la France ne fait rien de plus pour le moment, ce sera ainsi. Adieu, je t’embrasse, réponds-moi sur tout ce que tu peux et qu’on sache à quoi s’en tenir ; dis à l’Empereur ce que tu crois.

Ton très affectionné beau-père.

VICTOR-EMMANUEL.


Le comte de Cavour au prince Napoléon.


16 mars 1859.

Monseigneur,

Je remercie sincèrement Votre Altesse de ce qu’elle m’a écrit à l’égard des représentants de la Sardaigne à Paris. Nul plus que moi ne sent les inconvénients qui résultent de l’insuffisance du marquis de Villamarina. Mais il n’est pas facile de le remplacer convenablement et avec avantage. Le seul à ma connaissance qui pût, sous beaucoup de rapports, dignement occuper le poste de Paris, c’est d’Azeglio. Mais je ne le crois pas très propre à la circonstance actuelle. Azeglio a infiniment d’esprit et do tact ; personne mieux que lui ne connaît l’Italie et spécialement l’Italie centrale ; il a des formes aimables, il plaît généralement, enfin il possède la plupart des qualités qui constituent un bon diplomate. Mais, d’autre part, sa nature d’artiste,