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être professées que dans la seule langue dont les élèves auront la connaissance. L’école restera donc complètement allemande, du moins pendant les premières années, et le français n’y sera enseigné qu’accessoirement comme une langue étrangère.


Qu’on me permette d’intercaler ici quelques réflexions sur la méthode directe, dont tout le monde s’entretient sans que personne essaye de la bien définir. On ne parle couramment une langue que quand on pense dans cette langue. Il ne faut pas qu’entre l’objet et le mot qui le désigne s’intercale le mot correspondant d’un autre idiome. Tant que je serai obligé de poser l’équation suivante dans mon esprit : « Die Thüre ist geschlossen : La porte est fermée, » je ne ferai qu’ânonner péniblement cette petite phrase, pourtant si simple.

Notez que pour l’Alsacien, parlant habituellement son dialecte et ayant fréquenté l’école allemande, le mécanisme de la méthode de traduction sera même plus compliqué. Il lui faudra employer deux transpositions successives : « Die Ther isch züe — Die Thüre ist geschlossen. — La porte est fermée. »

Il est donc nécessaire d’arriver au résultat suivant. La vue de l’objet doit, dans l’esprit de l’enfant, faire jaillir le mot français qui le désigne, sans que l’élève soit obligé de recourir à une traduction intérieure consciente ou inconsciente. La méthode directe a ainsi l’avantage d’écarter, autant que possible, tout emploi de la langue maternelle ou d’une langue apparentée comme intermédiaire forcé entre la pensée et la parole. Le maître désigne l’objet et prononce en même temps le mot français correspondant. Avec les mots, appris directement de la sorte, il compose des phrases très simples, et arrive ainsi progressivement et sans fatigue à enrichir le vocabulaire de l’enfant, tout en ne se servant lui-même que de la langue qu’il enseigne.

Que cette méthode, même appliquée avec la plus grande rigueur, puisse être profitable, cela ressort du fait que des instituteurs et des institutrices, venus de l’intérieur de la France, et qui ignoraient tant l’allemand littéraire que le dialecte alsacien, ont pu l’employer avec succès dans les écoles primaires de nos trois départements. Cela ressort encore de l’expérience tentée, avant la guerre, dans les dix-neuf écoles