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Je combattais donc avec les seules armes dont je pouvais me servir pour sauver du naufrage ce qui restait du passé. Or, phénomène curieux, ceux-là mêmes qui aujourd’hui luttent pour le maintien de l’allemand, Muttersprache des Alsaciens, étaient, en ce temps-là, mes plus ardents adversaires et ne cessaient de me répéter que l’école primaire, avec ses programmes surchargés, ne pouvait pas comporter l’enseignement d’une langue étrangère. Tempi passati !

Il ne me reste plus qu’à examiner rapidement le côté le plus délicat du problème, celui qui a déjà provoqué tant et de si ardentes polémiques : j’ai parlé de l’enseignement religieux. Il est de toute évidence que cet enseignement doit être assuré dans les meilleures conditions possibles de compréhension et qu’on ne saurait le donner en français, du moins d’une manière exclusive, que quand les enfants, qui fréquentent le catéchisme, disposent d’un vocabulaire assez étendu pour se l’assimiler complètement. Il appartient aux autorités religieuses de décider le moment où, dans des écoles déterminées, on passera du catéchisme allemand au catéchisme français, aux curés et aux vicaires de procéder à des sondages, si je puis m’exprimer de la sorte, avant de proposer ce changement. Personne ne contestera que là, où toutes les conditions d’utile réceptivité sont assurées, l’enseignement de la religion doit, comme tous les autres, être donné en français. L’intérêt même des enfants, dont beaucoup seront amenés à remplir plus tard leurs devoirs religieux dans les départements de l’intérieur, l’exige même impérieusement.

Si les ministres des cultes ont la volonté d’aboutir, ils étendront sans hâte, mais aussi sans hésitation, le domaine de la langue française, même en cette matière, ce qui ne sera pas la conquête la plus négligeable de la France sur les esprits et sur les cœurs dans nos deux provinces libérées. Il ne saurait à la longue y avoir de barrière infranchissable entre les croyances religieuses de la population d’Alsace et de Lorraine et la langue nationale. Chacun peut et doit travailler à faire disparaître cet obstacle, sans d’ailleurs, je le répète, apporter à cette tâche aucune imprudente précipitation. De ma première enfance j’ai gardé le souvenir que, dans les écoles des villes d’Alsace, le catéchisme était professé très utilement en français, tandis que, dans bon nombre de villages, on l’enseignait en allemand, parce