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certaine unité à ce nouveau monde et en particulier de réunir la Bolivie et le Pérou en commençant par leur donner la même constitution. Il avait échoué malgré les efforts de Sucre, son meilleur lieutenant. Santa Cruz, président de la République de Bolivie pour la seconde fois de 1829 à 1839, avait donné à son pays l’ordre et la paix, de bonnes finances et une armée solide ; appelé à agir au Pérou par les compétiteurs à la Présidence de la République, il avait créé une Confédération péruviano-bolivienne dont il était le « chef suprême, chargé des relations extérieures. » Descendant des anciens Incas par sa mère, la cacica de Guarina, il apparaît comme le successeur de Bolivar dans l’organisation centralisée, et il est suspect d’ambitions plus hautes. Cette puissante personnalité, et surtout l’union qu’il avait déjà réalisée, créa de grandes appréhensions au Chili, où gouvernait alors en fait un homme d’état remarquable, Portalès, qui, ministre sous divers présidents, avait donné à son pays la constitution de 1833, où le pouvoir central était doté d’une autorité très forte, comme il paraissait nécessaire dans la période de formation nationale que traversait le Chili. Et il eut l’énergie d’appliquer cette constitution. Portalès lança son pays dans une campagne libératrice contre « la violation injuste de la souveraineté du Pérou ; » une première expédition chilienne, dirigée par le général Blanco Encalado, échoua en 1837 ; la seconde réussit sous le commandement du général Bulnès aidé des révolutionnaires péruviens, malgré la mort de Portalès, tué dans l’échauffourée d’une sédition militaire d’ailleurs promptement réprimée ; trahi par ses lieutenants, Santa Cruz dut s’exiler el les deux pays retombèrent dans une nouvelle période de troubles, plus fréquents encore en Bolivie qu’au Pérou.

Le Chili, qui avait contribué à la délivrance du Pérou dès que l’action des Argentins eut assuré son indépendance avec San Martin, s’était joint au Pérou quand l’Espagne avait occupé les Iles Chinchas en 1864 ; la paix rétablie avec le Pérou, l’Espagne s’était retournée contre le Chili, qui avait payé par le cruel bombardement de Valparaiso son intervention dans la querelle ; mais le Pérou avait alors repris spontanément les armes et repoussé l’escadre espagnole au Callao : cet échec avait paru comme une revanche du bombardement de Valparaiso.

Il semblait que cette action contre un ennemi commun dût rappeler aux deux peuples leur communauté d’origine et d’histoire,