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comme l’ennemi et s’attribuant le rôle de grands justiciers. »

Au contraire, lorsqu’un ouvrier est resté vingt ans dans une maison, il est tout indiqué, quels que soient d’ailleurs son état d’esprit et ses aspirations sociales, pour servir d’intermédiaire entre ses camarades et la direction. Il a participé à l’extension de la maison, à sa renommée, à ses succès ; il connaît les habitudes de la direction, les ressources de l’outillage, les améliorations réalisables. Sa longue collaboration lui permet de rendre des services en même temps qu’elle doit lui procurer des avantages. Aux établissements Joya, sur un personnel de deux cent cinquante ouvriers ou manœuvres, le Conseil d’usine comprend trente-six ouvriers ayant plus de vingt ans de présence.

Le Conseil se réunit tous les mois. Il en est aujourd’hui à sa 125e séance. Dans ces réunions, on étudie toutes les questions touchant l’organisation du travail, les salaires, l’hygiène, les rapports entre la direction, les contremaîtres et les ouvriers, la situation économique du jour : travaux prévus, difficultés, félicitations au personnel ou reproches suivant le cas. Mais pour tout ce qui concerne la marche des ateliers, les ouvriers n’ont que voix consultative et jamais voix délibérative.

A Vienne, la manufacture de draps Pascal-Valluit nous montre un Conseil nommé à l’élection. 1 732 ouvriers ont élu, au scrutin secret, trente-deux délégués, hommes et femmes. L’objet poursuivi par les patrons en créant ce Conseil est de prendre un contact étroit avec leurs ouvriers. Dans une réunion mensuelle intime et sans apparat, on parle de l’hygiène des ateliers, de l’amélioration des œuvres sociales existantes et des projets d’œuvres nouvelles. « Par cette causerie, dit l’un d’eux, nous nous éclairons mutuellement, nous arrivons à nous mieux connaître, et de ce fait, que de préventions tombent ! »

A Lyon aussi, nous pourrions citer plusieurs établissements où existe un Conseil d’ouvriers avec lequel la direction entretient les meilleurs rapports. De même à la Société de câbles électriques de Cortaillod et dans la très importante fabrique de chaussures Bally et Cie, à Schœnenwerd.

Ces Conseils, nés spontanément sans aucune ingérence de l’Etat, sont à rapprocher de ceux que M. Max Roesler a créés en 1896 dans sa fabrique de céramiques d’art à Rodach (Cobourg) et qui sont souvent cités comme exemple parce que leur auteur en a donné une excellente monographie : les Allemands, qui se