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parler, Julie ; et il aime Julie. Pareillement, Julie aime Valentin. Et tous les deux ont la confiance de Jérôme. Ils trompent Jérôme. Ils en ont beaucoup de chagrin, parce que Valentin ne cesse pas d’avoir pour Jérôme une vive amitié, Julie pour le même Jérôme un véritable amour. Le coupable amour de Julie et de Valentin tourne à leur châtiment. Julie meurt ; et Valentin, s’il ne meurt pas, souffre mal de mort. Jérôme se tue. Cela, c’est un roman, où l’on s’aperçoit que M. Émile Henriot, très fin moraliste, a lu, compris et goûté l’Adolphe de Benjamin Constant. D’ailleurs, il ne l’imite pas du tout ; et je ne cite Constant que pour indiquer le genre auquel appartient Valentin, qui est un assez beau livre et, comme tout ce qu’a signé M. Émile Henriot, très intelligent. Émouvant même ? Un peu. Mais je crois que, cet effort une fois accompli, l’effort d’écrire tout un roman (comme on dit à présent) psychologique, M. Émile Henriot s’est demandé : somme toute, à quoi bon ? Sa nonchalance avait pâti.

Et soudain voici la préface du Diable à l’hôtel ; « Je n’écris que pour mon amusement et un petit nombre d’esprits peu pressés qui aiment à entendre parler de beaux paysages et de lieux choisis. Je m’en vais en voyage, sans savoir où encore. Tenez pour certain que ce sera toujours ailleurs et dans d’autres temps. Qui veut me suivre ? Qui veut venir écouter en ma compagnie ce que racontent les vieux portraits et les statues dans les musées, l’eau des fontaines sur les places, les pierres usées d’une antique ville et les confidences du vent dans les arbres ? ... » Il est parti pour Aix-en-Provence ; et la vieille ville l’a-enchanté. Il ne la décrit pas : il dit comme il l’aime. Et comment l’aime-t-il ? De toutes les façons, telle qu’on l’aperçoit d’abord, telle qu’on la devine et telle qu’en y demeurant l’on vérifie qu’elle est encore charmante. Il aime son antiquité ; il aime aussi sa nouveauté.

Il aime ses monuments qui ont grand air, ses habitants qui ont de la bonhomie. El il aime qu’elle sache si parfaitement réunir plusieurs époques différentes, qu’elle soit si bien de la durée, de la continuité vivante, les nouveaux jours qui viennent de loin... « J’avais atteint le cours Mirabeau, célèbre pour sa forte ordonnance, ses fontaines d’eau chaude, ses quatre rangées de platanes et ses hôtels. Là, devant ces nobles façades, dont la pierre a une couleur si vibrante qu’elle est un régal pour les yeux, j’admirais en pensée le vaste esprit qu’avaient nos pères, les contemporains du Grand roi : ils concevaient la grandeur... » Notion perdue : nous confondons la grandeur et l’enflure. A les regarder, ces belles demeures, avec leurs mascarons, leurs cariatides et leurs guirlandes, leurs frontons, leurs portes sculptées, leur