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Chronique 30 avril 1923

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

La bataille de la Ruhr continue, et rien ne fait prévoir qu’elle se termine à brève échéance. Il semble cependant que nous soyons entrés dans la période préparatoire aux négociations. Dans tous les pays, les chefs de gouvernement, les ministres des Affaires étrangères, les chefs de partis ont, cette quinzaine, prononcé des discours, défini leur position, fortifié leur front. Le fait d’avoir pris l’initiative et de poursuivre leur action assure à la France et à la Belgique l’avantage d’une situation dominante ; elles attendront, aussi longtemps qu’il le faudra, que l’Allemagne parle : le vaincu sera celui qui, le premier, demandera à négocier. La victoire sera d’abord un succès d’opinion. Ne soyons donc pas tentés de nous plaindre de cette surabondance d’éloquence officielle. La politique d’aujourd’hui se fait sur la place publique, à grand renfort de grosse caisse et de mise en scène ; la politique européenne s’américanise. Plus de secret : ce sont les peuples qui jugent ; les discours sont des actes par la répercussion qu’ils ont sur l’opinion, par les réactions qu’ils provoquent. L’Allemagne s’entend, l’ayant appris pendant la guerre, à manier la tapageuse réclame étayée sur des mensonges indéfiniment répétés : c’est ce qui, dans le conflit actuel, rend redoutable son escrime.

On n’échappe pas aux journalistes : M. Loucheur, lors de son voyage en Angleterre, en a fait l’expérience. Son excursion n’était, après tout, qu’un incident d’importance secondaire ; ses visites à Londres n’étaient pas des négociations, à peine des opérations de sondage ou de reconnaissance. Mais, tandis que la France, associée à la Belgique, l’Allemagne, l’Angleterre, se regardent comme chiens de faïence, le déplacement d’un homme politique prend les proportions d’un événement. Ses entretiens soulevèrent en Belgique une vive émotion : la presse et l’opinion se demandèrent si la France n’aurait