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délibérément adoptée dès le premier jour de l’occupation, le problème de la Ruhr s’est élargi et amplifié. C’est une question financière et économique, — les livraisons de charbon et la mauvaise volonté générale et constante de l’Allemagne à s’acquitter des charges résultant de la guerre et du traité, — qui a conduit les Français et les Belges à Essen, mais, par la faute de l’Allemagne, une question politique s’y est greffée. L’exécution du Traité, les moyens qu’il offre aux intéressés pour obtenir que ses clauses ne restent pas lettre morte, voilà ce qui se trouve en cause. Les faits ont révélé, dans le texte même du Traité, des lacunes, des obscurités : le public français ne comprendrait pas que l’arrangement franco-allemand, qui sera l’inéluctable aboutissement de la crise actuelle, ne nous conduisît pas sinon à la révision du Traité, qui aurait des inconvénients de toute nature, du moins à la conclusion d’une sorte d’avenant dont l’objet serait de faire disparaître certaines incertitudes et certaines difficultés qui entravent le rétablissement de relations correctes entre l’Allemagne et les Alliés et l’avènement de la paix dans la sécurité. Partout, en Angleterre, aux États-Unis, en Allemagne même, l’opinion publique, dans sa majorité, admet qu’avec la question des réparations, celle de la sécurité doit être résolue.

Ainsi se trouve posé, par la force des choses, le problème rhénan. La présence à Paris du Dr Dorten, l’un des initiateurs, en 1919, du mouvement anti-prussien en Rhénanie, a ravivé le débat ; il représente, — avec M. Smeets, bien que dans une nuance plus modérée, — la tradition des Allemands de l’Ouest qui rejettent la domination oppressive des Prussiens de l’Est ; il est de la lignée de ces grands patriotes libéraux de 1848 qui voulurent fonder la liberté en même temps que l’unité et que Bismarck écrasa, par la force de l’armée prussienne, au profit des Hohenzollern. Si peut-être l’intense pression des cadres politiques prussiens a réussi à détourner les populations d’un mouvement qu’on leur dépeint comme suscité ou encouragé par les étrangers, la tendance générale n’en subsiste pas moins et est toute prête à s’affirmer si les circonstances s’y prêtaient, si, notamment, il paraissait démontré que la France n’a aucunement le désir, directement ou indirectement, de séparer les pays rhénans du Reich allemand. Les dirigeants de l’Allemagne savent fort bien, lorsqu’ils affectent de croire que la France prépare des annexions plus ou moins déguisées, qu’ils ne disent pas la vérité ; ils veulent pouvoir se vanter d’un succès lorsqu’il deviendra évident qu’en effet la France n’a aucune intention de ce genre ; ils s’acharnent à assurer, sur la