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à notre industrie, lasser les nerfs des Français, et ils se .flattent de prolonger la lutte jusqu’aux élections. qui amèneront, espèrent-ils, le triomphe des partis d’extrême-gauche dont les journaux, chaque jour, encouragent leurs illusions par l’opposition aveugle et brouillonne qu’ils font à la politique de M. Poincaré. De ce côté se rangent tous les nationalistes (ancien parti conservateur prussien), une partie des populistes, quelques hommes du Centre. Mais chaque jour l’expérience montre l’impossibilité de leurs rêves, faits d’orgueil déçu et de haines inassouvies, et c’est l’opinion adverse, celle qui préconise la négociation à bref délai et l’accord, qui l’emporte : elle entraîne une grande partie des populistes et du Centre, les démocrates, les socialistes. Les communistes gagnent en influence et se déclarent pacifistes avant tout. Le nouveau Gouvernement qui vient de s’établir en Saxe, l’ancien « royaume rouge, » est dirigé par le Dr Zeigner, communiste, et ses manifestations alarment les partis de droite et même les socialistes : il approuve bien la résistance dans la Ruhr, mais réclame des propositions immédiates ; il demande aux classes possédantes de faire de grands sacrifices et il veut qu’avant toute négociation, le Gouvernement prenne l’avis des organisations patronales et aussi des syndicats ouvriers et des cabinets des États fédérés. Cette évocation d’une Allemagne fédérale n’a pas été goûtée à Berlin ! On se demande si M. Zeigner n’est pas en train d’établir en Saxe une sorte de gouvernement soviétique. Le Dr Zeigner, écrit un journal nationaliste, a poignardé dans le dos la résistance allemande. Dans la Ruhr, le chômage commence à provoquer des troubles ; la bagarre de Mülheim (20 avril), où la police allemande a chargé brutalement les sans-travail et fait au moins cinq morts et cinquante blessés, est significative ; les troupes d’occupation se sont contentées de soigner les blessés. En Bavière, le conflit est de plus en plus aigu entre le gouvernement catholique et le parti démagogique national-socialiste de Hitler. Partout se révèlent les signes les moins équivoques d’inquiétude et de nervosité. Négocier, négocier tout de suite pour éviter d’être acculé è la capitulation ou à la ruine, c’est l’opinion qui, depuis quelques jours, gagne du terrain. « Le front unique » est brisé. Attendons-nous à des offres prochaines avec l’encouragement du Gouvernement britannique.

Entre la France et l’Allemagne, le Cabinet de Londres cherche à prendre position. L’initiative franco-belge dans la Ruhr a fait passer le premier rôle à Paris ; ce n’est plus le Gouvernement britannique qui mène le jeu ; l’opinion publique le sent et s’impatiente ; les