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plus aucun pouvoir, il demanda lui-même à se retirer. En échange du château, Hasan lui donna une assignation de trois mille dinars sur les gouverneurs de Kerdcoûh et de Dâmeghân, qui avaient embrassé secrètement la doctrine.

Pour s’expliquer cette fortune merveilleuse, il faut comprendre qu’Ibn Attash, celui de qui Hasan avait reçu la suprême initiation, et qui était le plus haut chef de cette maçonnerie ismaélienne en Perse, se tenait avec lui étroitement d’accord et mettait à sa disposition toute la liste des affiliés. Hasan récolte les fruits d’une longue préparation. Il passe sur des territoires depuis longtemps ensemencés. Quoi qu’il en soit, en 1090, c’est-à-dire dix-neuf ans après qu’il a quitté la cour du sultan Alp-Arslan, neuf ans après qu’il est revenu d’Egypte, le voilà en possession d’un puissant refuge.

C’est ce que ne pouvait accepter le vizir Nizam el-Mulk. Il excita le Sultan à exterminer tous ces hérétiques, et envoya contre Alamout une armée considérable. Quel péril pour Hasan ! Hasan n’avait avec lui que soixante-dix hommes et l’ardeur religieuse des fidèles que ses prédications lui avaient acquis dans tout le district. Qu’est-ce que cela pour arrêter les forces régulières d’un grand roi ? Alors apparut quelque chose d’inouï dans l’histoire du monde, une application criminelle, méthodique, des plus hautes forces mystiques.

Dans la nuit du vendredi 16 octobre 1092, aux environs de Néhawend, un nommé Kakir Arrany se présenta, sous le costume d’un soufi, devant la litière de Nizam el-Mulk, — qui, après avoir rompu le jeûne du Ramadan, se faisait transporter à la tente de ses femmes, — et le tua net d’un coup de poignard.

Quarante jours après, au cours d’une partie de chasse, aux environs de Bagdad, Mélik-shah se trouva mal et mourut, réalisant ainsi une prophétie de Nizam el-Mulk, qui lui avait dit : « Mon turban et ta couronne sont joints ensemble, » et l’on pense qu’il avait été empoisonné.

Puis ce fut le tour des deux fils de Nizam el-Mulk. Le premier, Ahmed, étant à Bagdad et se dirigeant en barque vers une mosquée, les assassins fondirent sur lui, le frappèrent de leur poignard, et il fut atteint de paralysie. Le second, Fakhr el-Mulk, à Nichapour, un jour de juillet 1106, entendit les lamentations d’un homme qui disait : « Les vrais musulmans ont disparu ;