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que s’affermissait le travail de « restauration sociale [1] » auquel ils s’étaient voués, leurs ambitions grandirent.

Les études faites au collège Sainte-Catherine d’Alexandrie furent reconnues par notre ministère de l’Instruction publique, en 1884, comme susceptibles d’acheminer les élèves vers le baccalauréat de l’enseignement secondaire spécial. On vit les Frères, en cette même année, ouvrir à Alexandrie une école professionnelle, à laquelle en 1907 un internat s’annexa ; on les vit y créer, en 1905, l’enseignement commercial, et puis, en ces dernières années, des cours de travaux publics. Les humbles cours de droit qu’organisait en 1890 le Frère Gervais-Marie pour quelques bacheliers sortis du collège de Khoronfish, au Caire, furent l’origine de cette école de droit du Caire qui, en vingt-cinq ans, compta parmi ses licenciés trois cents élèves des Frères ; et tout récemment, en 1919, ils organisaient à Alexandrie un cours de droit français. Dans cette grande agglomération qu’est Alexandrie, où leurs élèves sont au nombre de 3 099, 150 à peine sont Français ; mais les Frères sont là, pour semer les germes d’une formation juridique française. En matière d’enseignement commercial, ils font autorité dans tout le Levant : les diplômes que distribuent leurs écoles de Beyrouth, Tripoli, Smyrne, le Caire, sont très recherchés ; lorsque le ministre ottoman du Commerce eut la pensée de créer à Constantinople un institut commercial d’Etat, il en régla les programmes, il en régla l’agencement, sur les statuts et sur l’organisation de leur école de Cadi-Reui, depuis longtemps prospère.

Les riverains de la Méditerranée, dès l’origine de l’histoire, furent invités par la mer elle-même à devenir des colonisateurs ; les Frères installés en Egypte n’échappèrent pas à cette loi. Un d’eux, le Frère Evagre, natif de Saint-Omer, se sentit en 1874, après douze ans de séjour sur les bords du Nil, attiré par la Palestine. Il partit, emmenant avec lui quatorze compagnons. Ils naviguaient en pèlerins vers les Lieux Saints, mais ces pieux nomades rêvaient de devenir des sédentaires, et M. Patrimonio, consul de France, était à l’avance complice de leur rêve. Le Frère Evagre, deux ans plus tard, revint en Palestine, comme maçon ; une fois achevée son œuvre d’architecte, il devait toujours rester là-bas, comme maître d’école. Les ressources manquaient,

  1. L’expression est de M. Hyacinthe Amadou, secrétaire du Cercle français du Caire, dans son livre : l’Enseignement français en Égypte (Le Caire, 1897).