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La popularité de la langue française et la popularité des écoles des Frères sont ainsi deux faits connexes : les Frères bénéficient du prestige de notre langue, et ce prestige leur est dû. Par eux et grâce à eux, toute une population s’accoutume à considérer notre culture comme la culture par excellence, et notre idiome comme l’indispensable véhicule de cette culture. Population très composite, très diverse d’origine, très diverse de croyances ; pour ne citer qu’un exemple, le collège Sainte-Catherine d’Alexandrie, au 31 décembre 1920, comptait, sur mille vingt et un élèves, 85 Français, 68 Anglais, 214 Égyptiens, 160 Syriens, 169 Grecs, 184 Italiens, 56 Arméniens, 85 enfin de nationalités diverses ; et l’infinie variété de cette mosaïque de nationalités se reflétait dans une autre mosaïque, celle des religions, puisque, sur ce millier d’élèves, 497 étaient catholiques, 284 orthodoxes, 92 musulmans, 136 juifs. Les bigarrures de cette clientèle scolaire assurent un innombrable rayonnement aux influences mêmes qui s’exercent sur elle : dans les colonies étrangères, dans les groupements religieux où ces écoliers joueront plus tard un rôle, ils apporteront, avec la pratique de la langue française, enseignée chez les Frères, les échos de notre état d’esprit, les souvenirs de notre littérature, l’admiration pour notre histoire. Devenus pères, devenus, sur leur terroir, les directeurs de l’opinion publique, les autorités sociales de la classe moyenne, ils souhaiteront pour leurs fils la même formation ; ils réclameront pour leurs fils tout ce que les Frères ont su leur faire aimer ; ils ne seront, en aucune façon, des disciples passifs de l’esprit français ; tout réjouis au contraire d’en être les bénéficiaires, ils revendiqueront, pour la génération qui vient, une diffusion de plus en plus large de nos idées et de nos méthodes. Et le résultat même de leurs exigences, c’est que souvent les écoles concurrentes, pour s’essayer à rivaliser avec l’Institut des Frères, sont obligées, à leur tour, d’inscrire le français sur leurs programmes. Parce que les Frères ont installé la royauté de notre langue, toute œuvre d’enseignement qui veut, en ces parages, jouir de quelque considération, doit rendre hommage à cette royauté.

Ainsi se propagent notre esprit, et notre influence, et nos gloires. Hussein, alors souverain de l’Égypte, haranguant en mai 1915 les élèves des Frères du Caire, rappelait que beaucoup de leurs aînés occupaient « des places distinguées dans