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Plus instamment on nous réclame des maîtres, moins nous en avons à donner. La loi de l’offre et de la demande subit ici le plus éclatant des démentis. De cet absurde démenti qui lèse tout à la fois la simple logique et l’intérêt national, où donc faut-il chercher la cause ?


VI

La cause, elle en est, non pas, à proprement parler, dans nos lois, mais dans la façon dont elles s’appliquent.

En vertu de l’article 2 de la loi du 7 juillet 1904, qui supprimait en France même l’enseignement congréganiste, l’Institut des Frères obtint le droit de conserver en France, à Caluire et à Talence, deux noviciats pour le recrutement des maîtres destinés aux écoles du dehors. En dix-huit ans, de 1904 à 1922, ces deux noviciats m’ont fourni que cent trente-six sujets, — moins de huit par an, — tandis qu’il faudrait, chaque année, pour répondre aux besoins de nos écoles exotiques, un contingent de deux cent cinquante à trois cents novices français.

D’un œil très limpide, M. Maurice Pernot, dès 1912, voyait le péril. « Les Frères de la Doctrine Chrétienne, écrivait-il, en sont réduits à vivre sur leurs réserves. Les noviciats qu’ils ont établis en Italie (à Favaria Canavese, pour l’Égypte et la Syrie, à Rivalta Torinese pour le reste de la Turquie), ne remplacent que très désavantageusement ceux qu’ils possédaient autrefois en France. » M. Pernot ajoutait d’attristantes précisions : il notait qu’à Rivalta, en 1911, sur 91 sujets, il y avait huit Allemands, un Luxembourgeois, douze Italiens, et qu’un quart seulement des novices français rentrés en France pour leur service militaire étaient ensuite retournés au noviciat.

Le mal, depuis lors, n’a fait que s’accroître ; et nous sommes acculés à une situation que les pouvoirs publics définissaient récemment en ces termes : « Les Frères des Écoles chrétiennes se trouvent aujourd’hui dans l’obligation ou de laisser péricliter leur œuvre, dont toutes les nations nous envient l’honneur ou le bénéfice, ou de faire appel à l’étranger, et, par conséquent, de dénationaliser leur institut et leurs écoles. » Mais lorsqu’on diagnostique un mal avec cette courageuse netteté, il est déjà, peut-être, en partie réparé. Sans le laisser s’aggraver davantage, le Gouvernement auquel préside M. Raymond Poincaré a