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habits bleus, les gilets brodés, les étranges « hauts-de-forme » des gens du Smaland, du Halland, de la Vestrogothie, de la Dalécarlie, et autres provinces. Ils sont là, parmi leurs meubles et leurs outils, parmi ces naïves peintures sur toile qui décorent les petites fermes anciennes, et où l’on voit, en costumes de 1810, les Apôtres et les Rois Mages, les séides de Ponce-Pilate en uniforme, la Vierge en jupon ballonné, le Père Eternel en chapeau de feutre, et le prophète Elie qui est ravi en extase sans lâcher son parapluie vert.

Ces peintures ingénues, comparables aux plus primitifs de nos Primitifs, par le sentiment religieux qui les inspire et qui s’unit à une observation minutieuse de la réalité, on les revoit encore dans les maisonnettes transportées au parc du Skansen.

J’ai eu, pour visiter Stockholm, des guides incomparables : M. de Heidenstam, président de l’Alliance française, historien de Fersen, de Marie-Antoinette et de Gustave III, est, à plus de quatre-vingts ans, jeune par l’allure, le caractère, l’esprit et le cœur ; M. Fevbrel, secrétaire de l’Alliance, un peu Français par ses origines, est l’un de nos plus fervents amis ; enfin Mme Marika Sjernstedt, romancière de grand talent, a voué sa plume et sa parole à défendre, à expliquer la France. — C’est elle qui m’a conviée, dans sa villa de Djursholm, à un très amusant déjeuner féminin avec trois autres femmes écrivains : Mme Branting, femme du ministre socialiste, Mme de Kleen, et Mme Follgren, toutes trois journalistes et chroniqueuses remarquables.

Mais j’ai eu, au Skansen et dans la campagne suédoise, un autre guide qui me parlait tout bas, dans le silence de mon rêve, et qui me disait de merveilleuses paroles. C’est vous, Selma Lagerlöf, femme de génie que je n’ai pu voir, hélas ! pas plus que la grande Ellen Key. C’est vous, âme et voix de la Suède, incantatrice qui ressuscitez les morts et leur rendez une vie immortelle

Combien je vous admire et vous aime, je ne vous l’aurai pas dit, ô solitaire qui vivez dans votre retraite dalécarlienne ! Mais sachez-le, si jamais vous lisez ces lignes : au lieu d’emporter des ouvrages savants, j’ai pris, tout simplement, le Voyage merveilleux de Nils Holgersson, ce chef-d’œuvre écrit par vous pour les enfants des écoles primaires

Nils Holgersson, garçonnet changé en lutin, Petit Poucet