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Apres un court arrêt à l’hôtel de la Présidence, le programme nous amène à l’Ecole navale, établie dans de vastes bâtiments aussi bien compris pour l’hygiène que pour l’instruction des futurs officiers de vaisseau ; la nôtre, récemment débarquée du Borda pour s’établir à terre, est fort loin d’être aussi bien aménagée, et les officiers du Jules-Michelet qui m’accompagnent envient les spacieux dortoirs, les lavabos et les douches ainsi que les salles de démonstration des machines, qui témoignent d’un enseignement très pratique et très vivant ; ils espèrent que leurs cadets n’attendront pas longtemps les perfectionnements que la pénurie des crédits n’a pas encore permis de leur donner.

A l’Ecole navale est juxtaposé un musée maritime très intéressant et plein de glorieux souvenirs. Voici la flotte chilienne au temps des guerres de l’Indépendance ; sous le commandement de lord Cochrane, hardi corsaire britannique venu de la Méditerranée, elle conquit la maîtrise de la mer et transporta l’armée de San Martin qui délivra le Pérou.

La guerre navale de 1879 entre le Chili et le Pérou est évoquée à son tour, et d’abord le combat d’Iquique, avec la mort magnifique du commandant Arturo Prat, dont je viens de saluer la statue sur la place principale de Valparaiso. Enfin voici, toute criblée des projectiles qui l’ouvrirent de toutes parts, la tourelle cuirassée du Huascar, le monitor péruvien capturé au combat d’Angamas le 8 octobre 1879 ; je m’incline devant ce glorieux débris, témoin de l’héroïsme déployé par l’amiral Grau et les quatre officiers qui y furent mis successivement hors de combat après l’avoir remplacé dans son commandement. Un peuple est heureux qui peut montrer de tels souvenirs de gloire et élever au milieu d’eux ses enfants.

D’autres tableaux figurent les combats livrés par l’armée chilienne dans la même guerre ; je remarque qu’elle portait à cette époque le même uniforme que les troupes françaises, veste bleue, képi et pantalon rouge. L’amiral Nef me dit qu’après cette guerre, le Chili demanda à la France la mission militaire qu’elle jugeait nécessaire à l’instruction moderne de son armée ; mais notre ministère de la Guerre estima que le recueillement s’imposait après nos défaites et le Chili s’adressa alors aux officiers allemands, qui donnèrent aux troupes chiliennes un uniforme et une allure toute germanique.