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conditions du change ne rendent-elles pas toute importation très onéreuse pour l’Italie ? Le prix des denrées de première nécessité est déjà énorme : voulez-vous qu’il s’élève encore davantage ? — Nous ne voulons pas cette conséquence, me répondit-il, mais nous l’acceptons. Nous pouvons d’ailleurs escompter, du trouble que provoquerait cette hausse des prix, quelques effets assez favorables à notre cause. Mais ce n’est là qu’un but accessoire. Le but principal, c’est de ruiner celui qui possède, de le mettre hors d’état d’exercer ses droits avec quelque profit. Si, devant les nouvelles conditions qui lui sont faites, il renonce à exploiter ou réduit au delà d’une certaine limite l’intensité de l’exploitation, la loi autorise l’expropriation et la mise en culture par les paysans et à leur profit. C’est un premier pas vers le nouvel état de choses que nous avons résolu de créer. »

En vertu d’un raisonnement analogue, les agitateurs ouvriers, non contents de réduire les industriels, par la fréquence des grèves et la hausse des salaires, à l’alternative de fermer les usines ou d’exploiter à perte, en venaient à saboter les machines, à occuper les chantiers et les ateliers, enfin à imposer un contrôle dont le seul effet devait être d’entraver la production, et qu’ils se savaient eux-mêmes techniquement incapables d’exercer dans un autre esprit que celui d’inhibition et de malveillance.

L’évolution de la classe ouvrière s’est accomplie en Italie avec une extrême rapidité, mais d’une manière très superficielle, la compétence de l’ouvrier ne s’étant point développée dans la mesure de ses exigences. Je me suis demandé bien souvent pourquoi la main d’œuvre italienne, si justement recherchée à l’étranger, est d’un rendement si médiocre en Italie. Les spécialistes me répondent que cela tient aux méthodes différentes adoptées dans la direction, l’organisation et la surveillance du travail. Aux États-Unis, le chef de chantier ou d’atelier bouscule fort rudement l’ouvrier négligent ou paresseux, et n’admet ni réplique ni réclamation. En Italie, il sait qu’une observation trop vive ou une amende va mettre en mouvement tout l’atelier d’abord, puis les commissions intérieures, enfin les inspecteurs gouvernementaux. Turin, Milan, Naples produisent des ouvriers qualifiés d’une habileté incomparable ; s’ils travaillent aux pièces, ou s’ils sont en quelque autre manière intéressés à la production, leur rendement est excellent ; les