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Aucune réponse. Avec la constance de l’amitié, Mme Carraud reprend la plume le 30 avril :


Cher, je pars bientôt et, avant de quitter Paris, je tiens à vous présenter M. Marletti Ubicini, précepteur d’Ivan. C’est une belle et riche intelligence qui demande à se prosterner devant la vôtre. Selon le monde, il est inculte et a un cachet tout particulier qu’il ne perdra probablement pas, même quand il subira les frottements de la société. Le pauvre garçon n’a jamais de liberté, et c’est par grâce spéciale qu’il m’accompagne à Paris. Si vous pouviez me dire l’heure à laquelle vous serez libre de nous recevoir, vous me feriez un vrai plaisir et je vous en saurais un gré infini. Il me serait pénible de ne pas le mettre en rapport avec vous. Je lui dois beaucoup et je serais heureuse de m’acquitter envers lui en satisfaisant un désir porté au plus haut degré et qui me le fait doublement apprécier.

Adieu, Honoré, puissent les susceptibilités gouvernementales se calmer, et vous permettre de prendre votre revanche avec un public qui vous aime !

A vous de cœur.

ZULMA.

Mes tendresses à Laure.


Mme Carraud rentre à Frapesle, laissant Ivan à Paris. Le 1er août1840, Balzac écrit à son amie :


Chère, j’ai vu votre protégé ; je lui ai dit la vérité sur les choses, et la vérité n’est pas encourageante. Je ne l’ai plus revu ; il ne m’a pas donné son adresse, en sorte que, dans l’occurrence, il serait difficile que je le trouvasse. Dites-lui de venir me voir une fois par mois ; il peut se rencontrer une occasion de travail.

Nous attendons tous Borget. Mais que faites-vous à Frapesle ? Vous ne m’en dites trop rien.

Hier, j’ai vu votre cher Ivan à cheval sur un âne et revenant d’une excursion. Je l’ai embrassé, ce cher enfant, et cela m’a fait un extrême plaisir de le rencontrer. Hélas ! je n’ai pas le temps de vous écrire longuement ; je suis persécuté par d’écrasants travaux. C’est toujours la même chose : des nuits, des nuits, et toujours des volumes ! Ce que je veux bâtir est si élevé, si vaste !

Mille tendresses de votre vieil ami.

DE BALZAC.