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sous la chaude lumière qui l’embrase, c’est une féerie comme la forêt de Fontainebleau elle-même n’en offre pas de semblable. Et, que dans les eaux endormies tombent la pourpre et l’or des crépuscules, il n’y aura pas, pour les traduire, assez de toutes les pierres précieuses. Le mérite de Ravier est de les avoir su trouver et choisir.

Après les rétrospectives de Ravier et de M. Forain, une des salles où l’on s’arrête le plus longtemps est celle de Jean-Paul Laurens, devant ses scènes historiques des temps mérovingiens ou de l’Inquisition, ses tragiques évocations du moyen-âge, tout ce qui fait du vieil artiste l’Augustin Thierry ou le Michelet de la peinture. C’est, là, le triomphe du « sujet » en art. Or, si les Salons aujourd’hui sont si prodigieusement dénués d’intérêt, nul ne veut avouer, mais nul ne peut contredire, que cela tient beaucoup à l’absence de « sujets, » j’entends, par là, des groupements de figures concourant à une action commune où des paysages dégageant quelque aspect caractéristique, de la Nature, les uns et les autres traités avec l’accent sur cette action ou sur cet aspect. Je n’entends point par « sujet, » nécessairement, ni principalement, le thème d’histoire ou l’anecdote sentimentale ou comique, ou l’allégorie : la Défenestration de Prague, ou le Testament d'Eudamidas, le Premier bijou, ou la Noce chez le photographe, ni même, enfin, les thèmes de Jean-Paul Laurens. Sans se dissimuler que ce sont, là, de précieux appeaux pour le public, on ne peut regretter le temps où le Palais de l’Industrie était tapissé de thèmes latins ou de faits divers attendrissants. Ce fut une lamentable époque, d’abord parce que l’artiste, comptant sur l’intérêt du sujet, se satisfaisait trop aisément d’un rendu médiocre, ensuite parce que, pour mieux marquer la signification de l’histoire ou en souligner la morale, il était conduit à outrer les gestes, à multiplier les accessoires sans valeur esthétique, à peser sur les contours, en un mot à faire de l’idéographie. Une vive réaction inspirée par les réalistes, d’abord, plus tard par les impressionnistes, nous a débarrassés de cette erreur. Mais ç’a été pour nous en suggérer une autre. Les artistes modernes avaient bien raison en assurant qu’une belle harmonie de lignes, de gestes humains ou de couleurs valait mieux que tous les sujets intellectuels, les histoires du monde ; seulement, ils ne s’avisaient pas d’une chose : c’est que maint thème fourni par la nature ou l’histoire ou la