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humains que l’on va t’enfermer à côté des voleurs et des criminels, parce que tu as eu le courage de travailler pour ta patrie et pour ton Roi.

L’aube du jour approche, les étoiles s’effacent pendant que les premières clartés apparaissent au loin, annonçant que messire Phébus ne va pas tarder à dépasser l’horizon ; tantôt, il nous enverra à travers l’espace ses rayons dorés, qui font tout revivre sur cette malheureuse terre, où l’ambition d’une seule créature nous fait assister, impuissants, à la tuerie de millions d’hommes.

Nous nous approchons de la lourde porte qui s’ouvre, nous entrons, traversons un dégagement et une cour et arrivons dans un bureau[1] ; l’employé qui s’y trouve nous demande à chacun les renseignements suivants : nom, prénoms, âge, lieu de naissance. Cette formalité terminée, je me dirige, précédé d’un soldat, vers une rotonde centrale, dans laquelle viennent aboutir diverses longues galeries à deux étages, terminées d’un côté par un pignon percé d’une grande verrière et d’une porte donnant accès au préau, de l’autre côté par une porte grillagée à deux battants. Les cellules étagées sont établies le long de ces galeries, dont le plafond en plein cintre est coupé, à distances régulières, par des soffites et des lanterneaux ; des balcons en fer avec dalles en pierre bleue donnent accès aux étages. Nous nous engageons dans une de ces galeries et après avoir gravi un escalier métallique, on m’enferme sans plus de façons dans la cellule no  72. Quoi ! mais c’est impossible… je dois me rendre à l’évidence, il n’y a pas de doute, je suis en prison…

La fièvre qui m’avait envahi rendait ma gorge et mes lèvres toutes sèches ; je titubais ; ma tête était lourde et me faisait mal ; je ne voyais presque plus clair. Exténué, je restai là, immobile, plongé dans une sorte de torpeur. Quand je revenais un peu à moi, je me mettais de nouveau à douter de mon emprisonnement… je regardais autour de moi et je constatais que j’étais seul, tout seul dans ce lieu maudit, en proie à un désespoir morne, n’ayant plus d’énergie, ni de volonté.

Tout à coup, une idée me vint à l’esprit et me parlant à moi-

  1. Le greffe.