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des arguments qui m’aideront à me défendre au cours du prochain interrogatoire, car il est certain que les langues se sont déliées et que, par ce fait, je me trouve dans une situation difficile.

En me mettant au lit, je songe à ma chère femme et à mes chères enfants. Je ne pourrai plus, pendant toute la durée de ma détention, les accompagner par les grandes avenues et les campagnes en fleurs, au long des ruisseaux qui content leur chanson murmurante… je ne pourrai plus rire et m’amuser avec elles… oui, tout cela n’est plus que le souvenir…

Lundi, 9 août 1915.

Les nuages sombres, qui hier voilaient le ciel, se sont enfin enfuis, le jour commence plein de lumière. De grand matin, le soleil triomphant fait son apparition ; ses rayons entrent gaiement par la fenêtre et viennent mourir sur le mur, où ils dessinent une tache composée d’une gamme de tons jaunes d’or. Ces rayons pareils à une pluie d’or réchauffent ma cellule et y mettent un peu de gaieté dont elle a tant besoin.

Il est midi et j’attends toujours l’interrogatoire. Vers 3 heures et demie, j’entends ouvrir différentes portes de cellules et je crois que l’on va arriver à la mienne, mais ce n’est qu’une fausse alerte.

… Il est 4 heures et demie, lorsque le soldat vient me chercher et m’accompagne jusqu’au bureau de ces messieurs.

Je suis accusé d’être le chef du recrutement et de faire de l’espionnage. J’oppose un démenti formel à toutes ces accusations et reconnais, ne pouvant faire autrement, que je me suis borné à indiquer le lieu de rendez-vous pour le départ des équipes.

Cette réponse paraît dérouter un peu les juges. Concernant la Libre Belgique, ils font tout ce qu’ils peuvent pour m’obliger à me déboutonner ; ils tendent les amorces en veux-tu en voilà, mais il n’y a rien à faire, le poisson ne mord pas…

Comme je ne veux pas avouer certaines choses, mon interrogatoire est remis à plus tard. De tout cela il résulte que je suis accusé pour la Libre Belgique, le « Mot du Soldat, » le recrutement, l’espionnage… et Dieu sait quoi encore ! Cependant je sors de là plus ou moins satisfait…

Au cours de cet interrogatoire, nous avons eu une causerie au sujet des chances de victoire de chacun des belligérants. Ces