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À l’heure du diner, tout à coup des sanglots éclatent dans la cellule voisine où se trouvait précédemment le jeune X… Ces sanglots à moitié étouffés, semblables à des râles, venaient frapper mon tympan et m’occasionnaient une souffrance bien pénible. Une douleur aiguë me mordait le cœur et je marchais frémissant et rageur comme un lion irrité. Entre temps, le gardien avait ouvert la porte de cette cellule et donnait des ordres : « Apportez de l’éther, faites venir le médecin. » Puis, je n’entendis plus que de sourds gémissements, qui traversaient à peine le bruit produit par le service de la prison et me faisaient une impression lugubre dans mon froid et morne cachot. J’étais peiné de devoir assister à la douleur de ce bon patriote, sans pouvoir lui porter aide. J’aurais voulu sécher ses larmes en lui disant quelques paroles réconfortantes, j’aurais voulu calmer son cœur plein d’angoisse et d’amertume en le rassurant de mon mieux. J’aurais voulu lui chanter le doux hymne de l’espérance qui fait entrevoir les joies meilleures.

La porte se referma, et le mouvement habituel reprit dans cette prison qui étouffe tant de misères et de détresses humaines…

Dans l’après-midi, je reçois une lettre de ma chère femme. J’ai été vraiment très touché en lisant ces quelques lignes où, bien simplement, se répandait ce que son cœur contient de meilleur et de plus doux. Cette lettre me fait savoir qu’ils sont tous très courageux et que toutes leurs pensées vont vers moi, elle me procure une douce consolation et me fait revivre, pareil à la rosée de la nuit qui donne la vigueur aux plantes, pour résister aux fortes chaleurs des journées d’été. Maintenant, je pourrai avec plus d’énergie affronter la lutte et tenir tête vaillamment à ceux qui veulent me précipiter dans le gouffre.

Vers le soir, le tonnerre commence à gronder sourdement dans le lointain et la pluie arrose la terre. Quelques gouttes d’eau viennent s’étendre sur la vitre de la fenêtre. Le ciel s’est obscurci ; lentement la nuit est arrivée, et petit à petit le silence a remplacé le bruit du jour.

Samedi, 14 août.

Aujourd’hui, j’ai reçu un paquet de linge, contenant également des fruits. Cette délicate attention me plonge dans la joie. Je reconnais là, une fois de plus, le joli geste de ma bienfaisante