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Philippe Baucq est ensuite interrogé. À la question habituelle : « Êtes-vous catholique et belge ? » Baucq répond en regardant hardiment les juges : « Oui, et bon patriote » et cela donna à M. Stœber l’occasion de l’appeler au cours des débats avec une ironie méchante : « le bon patriote. »

Baucq reconnaît avoir distribué des Libre Belgique et des Mot du Soldat, mais conteste avoir centralisé chez lui la distribution du journal. Il avoue avoir reçu un paquet de lettres qu’il répartissait entre deux ou trois amis qu’il refuse de nommer.

— Reconnaissez-vous qu’il y a eu accord entre Thuliez, Cavell, Bodart, de Croÿ et vous, pour conduire des jeunes gens à la frontière, de façon à ce qu’ils pussent rejoindre l’armée ?

— Oui, mais mon activité consistait seulement à indiquer aux personnes une heure et un endroit déterminés où ils trouveraient des guides. Je n’ai indiqué aucun guide à miss Cavell.

— Combien de fois avez-vous prêté votre concours ?

— Dans dix cas j’ai prêté mon concours à l’effet d’entremettre des transports.

— Avez-vous été l’intermédiaire dans lesdits transports au delà de la frontière ?

— Oui, pour autant qu’il s’agissait de fixer des rendez-vous. Moi-même je n’ai fait passer la frontière à personne.

— Je vous soupçonne d’avoir été l’organisateur.

— Je proteste. L’organisateur principal est un certain Rogier ; j’ignore où il demeure[1].

— Pourquoi avez-vous pris le nom de Fromage ?

— Pour qu’on ait moins de chance de me retrouver.

— Quel a été le mobile de vos actions ?

— J’ai agi par patriotisme.

La comparution du jeune Bodart, obligé de témoigner contre sa mère, Irlandaise de naissance, devenue Belge par son mariage, qui venait d’être interrogée, suscita un incident dramatique.

Le jeune garçon, long et fluet, d’une pâleur morbide, est appelé à déposer sur deux faits d’une importance capitale. Bien qu’il n’ait que quatorze ans, on lui fait prêter serment et l’interprète lui fait remarquer que le faux-serment est puni par le

  1. Il s’agit d’un personnage imaginé de toutes pièces par Baucq, qui n’a jamais accusé personne.