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de conseil de guerre. Le greffier-chef a nom Duwe, assesseur du conseil de guerre, et enfin l’interprète assermenté est un nommé Brück, volontaire pour la durée de la guerre.

Voilà les hommes dont l’infamie mérite d’être éternellement stigmatisée par l’Histoire.

Le verdict est rendu clandestinement le 9 octobre ; il est confirmé tout aussi clandestinement le 10 octobre par le général von Sauberzveig, gouverneur militaire de Bruxelles. Le jugement et sa confirmation n’ont été portés à la connaissance des accusés que le lendemain 11 octobre, dans l’après-midi, c’est-à-dire à Baucq et à miss Cavell quelques heures seulement avant leur exécution. Toutes ces manœuvres sont préméditées ; il sied de frapper un grand coup, de frapper vite et fort, et pour cela les autorités allemandes veulent prévenir toute intervention importune, mettre le monde abasourdi en présence du fait accompli…

Le jugement est confirmé, mais Sauberzweig est encore indécis, il hésite à faire exécuter sur-le-champ la peine de mort. Est-ce de son propre mouvement, après avoir réfléchi vingt-quatre heures, ou sous une influence extérieure quelconque, qu’il requiert le lendemain 11 octobre l’application immédiate de la peine de mort contre Philippe Baucq et Edith Cavell ? Nous ne savons. L’intérêt de l’État, dont il se prévaut pour motiver l’exécution immédiate de la peine capitale contre ces deux victimes, à l’exclusion des autres condamnés à mort, nous porte à croire que l’exécution avait été préméditée longtemps à l’avance, concertée par les cercles dirigeants du gouvernement militaire, peut-être même inspirée par Berlin ou le grand quartier général… Voici le texte de l’ordre de confirmation :

ORDRE DE CONFIRMATION DU JUGE SUPRÊME[1]

Je confirme le jugement.

Signé : le gouverneur, Sauberzweig,
Général de Brigade.
(Bruxelles le 10 octobre 1915).
  1. En sa qualité de gouverneur militaire, le général von Sauberzweig avait les pouvoirs de juge suprême.