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UNE ENQUÊTE
AUX
PAYS DU LEVANT[1]

VIII[2]
SUR LA ROUTE D’ANTIOCHE


XV. — LA CHEVALERIE D’AUJOURD’HUI ET D’HIER

Tout cela m’enivre, mais d’une ivresse que je ne prends pas tout à fait au sérieux. Vous ne me croiriez pas, si je vous affirmais que j’espérais sérieusement retrouver, sur les châteaux ruineux du Vieux de la Montagne, son secret pour disposer corps et âmes de ses fidèles. Tandis que je cherche et j’appelle ce que je sais qui est mort, j’attends quelque chose d’autre que je ne sais pas nommer… Au milieu de ces folles musiques, une vérité s’est formée en moi : j’ai vu que ces ferments, jadis tout-puissants, et qui gardent un attrait de mystère, ne sont plus qu’une pourriture où végètent de pauvres gens.

Ces pauvres et bonnes gens, qui les sauvera ? Les religieux de France, jésuites, lazaristes, maristes, capucins, franciscains, dominicains, Frères des écoles chrétiennes…, les soixante-dix congrégations diverses que notre pays entretient au Levant et qui en sont l’exacte et actuelle merveille !

Il ne faut pas que je romantise sur des souvenirs démantelés, pour manquer ensuite d’imagination devant des forces vivantes. C’était beau, jadis, Masyaf, Qadmous, Le Kaf, Aleïka, Marqab, Khawabi ; mais l’Université Saint-Joseph, Antoura, la moindre

  1. Copyright by Maurice Barrès, 1923.
  2. Voyez la Revue des 15 février, 1er et 15 mars, 1er avril, 15 mai, 1er et 15 juin.