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Voilà des noms et des chiffres : à quelles réalités correspondaient-ils, à quelles tendances précises, à quels programmes ? Il serait difficile de le dire. En dehors de deux partis nombreux, le parti socialiste et le parti populaire, on ne trouvait qu’une série confuse de petites fractions, représentant tantôt les débris de partis disparus, tantôt les clientèles de quelques hommes influents, rarement un groupe formé autour d’une idée politique. Or les deux partis les plus nombreux, les plus fortement constitués, étaient eux-mêmes travaillés par des crises intérieures violentes. Ainsi le Parlement italien apparaissait comme un grand corps où l’on pouvait compter des parties, mais non distinguer des organes.

Cet état inorganique de la représentation nationale, l’opinion publique, d’ailleurs indifférente, ne l’avait longtemps aperçu que confusément. Elle en prit pleine et claire conscience, le jour où la majorité du parti socialiste, d’accord avec la C. G— T., décida de renoncer à l’attitude passive gardée jusqu’alors par le parti et de pratiquer une politique de collaboration. On vit aussitôt se produire, parmi les éléments bourgeois de la Chambre, deux mouvements différents et pour ainsi dire complémentaires : les uns firent quelques pas en avant, comme pour faire comprendre aux socialistes qu’ils étaient tout prêts à collaborer ; les autres se replièrent sur eux-mêmes, comme pour rassembler leurs forces en face d’un nouveau danger. M. Nitti et son groupe firent aux socialistes des avances formelles ; don Sturzo et les populaires parurent accepter celles que les socialistes leur faisaient. Pendant ce temps, les agrariens, les nationalistes, les libéraux, se demandaient avec angoisse comment ils pourraient résister à une coalition des socialistes, soit avec les nittiens, soit avec les catholiques, soit, ce qui se pouvait aussi, avec les uns et les autres. Il y avait pourtant un obstacle, l’absence d’un programme commun ; on l’avait bien vu durait la discussion de la loi sur le latifondo. Le vote de chaque article faisait surgir une majorité nouvelle : tantôt les populaires se rapprochaient des socialistes, tantôt ils glissaient vers les démocrates, parfois même ils allaient jusqu’aux conservateurs.

Ces continuels changements d’attitude, dans un parti qui se réclamait des grands principes chrétiens, déconcertèrent l’opinion et firent naître dans les milieux proprement catholiques