Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 16.djvu/791

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CONCLUSION

Après ma mission d’ambassadeur extraordinaire aux fêtes qui célébraient le centenaire de l’indépendance péruvienne, j’ai porté le salut de la France aux Républiques de l’Amérique latine. J’ai vivement regretté de ne pouvoir visiter celles qui bordent la mer des Antilles ; je n’ai pas vu le Mexique, ni le Vénézuéla et la Colombie, ni les Républiques de l’Amérique centrale où je n’ai pu aborder que le Guatemala ; ni les iles parfumées, Cuba, Haïti, ni l’Équateur et le Paraguay !... Mais au départ j’étais tenu par la date des fêtes, et, après six mois de voyage, j’étais obligé de rentrer en France. Néanmoins les caractères communs à tous ces peuples m’apparaissent d’autant plus clairement, que c’est par eux qu’ils se rapprochent de nous. Comme eux, nous sommes des Latins, je le comprends, et surtout je le sens.

Sans doute, il faudrait remonter bien haut dans la préhistoire pour retrouver la communauté d’origine entre les Ibères de la péninsule et les Celtes ou Ligures de la Gaule, qui, les uns et les autres, n’ont reçu que quelques gouttes de sang latin ; mais, du Rhin au Sahara, tous les peuples ont été soumis aux lois romaines. Ils ont parlé latin, ils ont adoré les dieux du Capitole, les images des Empereurs. De la métropole aussi leur est venue la religion chrétienne ; la Réforme protestante est restée pour eux une conception étrangère, septentrionale, et ils ont gardé jalousement la profonde empreinte du catholicisme : ils sont deux fois les fils de Rome.

Quand quatre siècles plus tard les philosophes français examinèrent librement le fondement des croyances et des sociétés humaines, souvent ce fut sous le manteau des prêtres créoles et même espagnols que circulèrent les œuvres interdites en Amérique par une rigoureuse censure ; elles ne semblaient nullement contraires à la religion ; elles allumèrent de toutes parts des foyers d’indépendance qui couvèrent sous la cendre, et les esprits se tournèrent vers la France, qui ne tarda pas à prendre les armes pour assurer la liberté des États-Unis d’Amérique.

La Révolution française produisit chez ces Latins une impression beaucoup plus forte que la libération de l’Amérique