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IS-ṬU-BAR — GILGAMÈS

bouche même du rhapsode Sinliqiunninni[1], une de ces histoires qui ont ensorcelé l’humanité et qui nous enchantent encore.

La légende de Gilgamès mérite, sans doute, d’être écoutée tout du long, dans un grand recueillement d’esprit. Avec le récit de la création, elle a constitué pour les Chaldéens, le Livre des Origines. Il n’y a pas dans toute la littérature babylonienne, de document religieux plus important. Cette légende ne vous paraît-elle pas digne d’intérêt, dans laquelle se trouvent enclavés les épisodes du déluge et de l’arbre de vie ? Littérairement, le poème de Gilgamès se présente à nous, sous les dehors de cette beauté un peu rude, que l’on rencontre dans des œuvres très antiques, par exemple, dans certaines pages de la Bible et des Védas, mais qui, déjà, annonce et prépare les œuvres d’idéale perfection, telles que l’Iliade et l’Odyssée. Des esprits, curieux d’art primitif, se plaisent à ces fictions enfantines et y trouvent un charme infini.

À notre grand regret, nous ne pourrons vous dire cette légende en son entier, car, des tablettes qui la composaient, il ne nous est parvenu qu’une faible partie, dans un état déplorable, mais seulement vous en présenter quelques épisodes détachés. Nous ne

  1. On lit sur divers fragments d’un catalogue de bibliothèque publiés dans Haupt, Nimrodepos, p. 90 et suiv. : Ku-gar an-is-ṭu-bar : sa pi Sinliqiunninni « Histoire (?) de Gilgamès : de la bouche de Sinliqiunninni (ô Sin, reçois ma prière). » De ce texte on ne saurait conclure que Sinliqiunninni fût l’auteur de notre épopée, pas plus qu’il ne serait légitime d’attribuer la Chanson de Roland à Turoldus, en arguant de ce fait, que l’on a trouvé sur un manuscrit du ixe siècle en suscription : Ci falt la geste, que Turoldus declinet. Turoldus est-il le trouvère ou le copiste ? Sinliqiunninni est-il le mage ou le scribe ? Il est difficile de préciser.