Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/59

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dieu Bel, sur ce qu’il avait fait le déluge, sans y avoir mûrement réfléchi, puis il nia la vérité du fait allégué par Ninib contre lui : « Toi, s’écria-t-il, le chef des dieux, le puissant guerrier, pourquoi fis-tu le déluge inconsidérément ? Pourquoi envelopper ainsi dans une même ruine les bons et les méchants ? Est-il juste d’imputer la faute à qui ne l’a pas commise ? Que le pécheur expie lui-même son péché ! Que le coupable subisse tout seul le châtiment qu’il mérite ! Même envers le pécheur et le coupable, use d’indulgence et de longanimité ; ne le fais point périr ! Surtout ne fais pas de nouveau déluge ! Plutôt que de faire un nouveau déluge, que les lions et les léopards fassent irruption et diminuent la race nombreuse des hommes, que la famine et Nergal lui-même surviennent et ravagent la contrée !... Quant au décret des grands dieux, ce n’est pas moi qui l’ai révélé. J’envoyai seulement à Atrahasis un songe, par où il devina, de lui-même, ce qui se tramait parmi les dieux contre les hommes [1]. »

« Ea avait parlé avec adresse. Le dieu Bel, frappé par la vérité de ce raisonnement, rentra en lui-même. Un instant, il parut réfléchir, puis, prenant une résolution subite, il me saisit par la main et me fît monter avec ma femme sur le vaisseau. Alors, ayant ordonné à celle-ci de se tenir inclinée à côté de moi, il nous toucha tous deux au front, et, s’étant placé entre nous, il nous bénit, disant : « Auparavant, Samas-napistim était un homme, désormais, Samas-napistim et sa femme seront des dieux comme nous. Et ils demeureront au loin, à la bouche des fleuves. » Sur ce, Bel, le guerrier, nous emmena et lui-même nous établit au loin, à la bouche des fleuves. [2] »

  1. Tab. XI, l. 180-196
  2. Tab. XI, l. 197-205.