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établissements cotonniers ? » Plût à Dieu que cette description fût exagérée ! mais les faits qu’elle signale s’appuient sur des observations consignées dans des pièces officielles et recueillies par des hommes graves. Les preuves, d’ailleurs, ne sont que trop convaincantes. 31. Charles Dupin disait dernièrement à la chambre des pairs que, sur 10,000 jeunes gens appelés à supporter les fatigues de la guerre, les dix départements les plus manufacturiers de France en présentaient 8,980 infirmes ou difformes, tandis que les départements agricoles n’en présentaient que 4,029. En 1837, pour avoir 100 hommes valides ; il fallut en repousser 170 à Rouen, 157 à Nîmes, 168 à Elbœuf, 100 à Mulhouse[1]. Et ce sont bien là les effets naturels de la concurrence ! En appauvrissant outre mesure l’ouvrier, elle le force à chercher dans la paternité un supplément de salaire. Aussi, partout où la concurrence a régné, elle a rendu nécessaire l’emploi des enfants dans les manufactures. En Angleterre, par exemple, les ateliers se composent en grande partie d’enfants : Le Monthly Review cité par M. D’Haussez porte à 1,078 le nombre des travailleurs qui dans les manufactures de Dundee n’ont pas atteint leur 18e année ; la majorité est au dessous de 34 ans, une grande partie au dessous de 12, quelques uns au dessous de 9 ; il y en a enfin qui n’ont que 6 ou 7 ans. Or, on peut juger d’après l’Ausland, cité par M. Edelestand Duméril, des effets de cet affreux système d’impôt établi sur l’enfance : parmi 700 enfants des deux sexes, pris au hasard à Manchester, on a trouvé :

Sur les 350 qui n’étaient pas employés dans les fabriques, 21 malades, 88 d’une santé faible, 241 parfaitement bien portants.

Sur les 350 qui y étaient employés, 75 malades, 154 d’une santé faible, 143 seulement d’une bonne santé.

C’est donc un régime homicide que celui qui force les pères à exploiter leurs propres enfants. Et au point de vue moral, qu’imaginer de plus désastreux que cet accouplement des sexes dans les fabriques ? C’est l’inoculation du vice à l’enfance. Comment lire sans horreur ce que dit le docteur Cumins de ces malades de 11 ans qu’il a traités dans un hôpital de maladies syphilitiques ? et quelle conclusion tirer de ce fait, qu’en Angleterre l’âge moyen dans les maisons de refuge est dix-huit ans ? Nous pourrions multiplier ces désolantes preuves : à Paris, sur douze mille six cent sept femmes inscrites au registre de la prostitution, les villes en fournissent huit mille six cent quarante-une ; et toutes appartiennent à la classe des artisans. M. Lorain, professeur au collège Louis-le-Grand, a composé un rapport tristement curieux, sur l’état de toutes les écoles primaires du royaume. Après avoir longuement énuméré les odieuses victoires de l’industrie sur l’éducation et leur in-

  1. Voir les statistiques précitées